Peut-on traduire l’opéra ?

Vous êtes plutôt VF ou un inconditionnel de la VO ? Ou bien, êtes-vous un partisan de la VOSTFR ?

À l’opéra comme au cinéma, la question se pose : VF ou VOSTFR ? Car on a envie de comprendre tout ce qui se passe sur scène. Mais la musique est reconnue avant tout comme un vecteur d’émotion. A-t-on vraiment besoin de comprendre la langue ? L’émotion ne parle-t-elle pas d’elle-même ? Amour, colère, joie, chagrin : nous n’avons pas besoin de mots pour comprendre ces émotions-là. Et pourtant…

Dès les années 1630, la question de la traduction des opéras se pose : une dispute oppose alors librettistes, musiciens et chanteurs pour savoir ce qui, du texte ou de la musique, doit primer. L’origine de l’opéra étant italienne, la question de la traduction s’est donc rapidement posée. Car lors des premières pièces jouées en France, on ne comprenait rien de ce qui se disait sur scène, mais on voulait comprendre. Cependant, privilégier l’histoire et les paroles, est-ce au détriment de la musique ? La Flûte enchantée de Mozart ( 1791) par exemple, traduite en français en 1801, est d’abord donnée sous le titre Les Mystères d’Isis. Il s’agit d’un pasticcio: l’histoire reste globalement la même, bien que les noms des personnages et les enjeux soient légèrement changés. Ainsi, la traduction transforme le rôle de Zarastro en en faisant un pontif du temple d’Isis. Ceci montre bien le pouvoir de transformation de la traduction. 

Est-il possible de traduire l’opéra ? Ou la traduction est-elle toujours une trahison de l’œuvre originale ? Traduttore traditore, comme on dit : traduire, c’est trahir. 

L’opéra, bien plus de 50% de musique.

L’opéra et ses dérivés, comme l’opérette, l’opéra bouffe, l’opéra-comique ou la comédie musicale, sont des mélanges entre musique et théâtre: on y raconte une histoire, et on le fait en musique.

Le livret d’opéra : un texte.

La partie narrative vient du livret d’opéra, qui met en scène des personnages et une intrigue. Les Noces de Figaro par exemple, opéra de Mozart, a un livret écrit par Da Ponte inspiré tout droit du théâtre. En effet, Da Ponte adapte les pièces de Beaumarchais Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro. À chaque rôle correspond une tessiture (soprano, alto, ténor, baryton, basse) et le texte est mis en musique sous forme d’aria, de récitatif ou de dialogue. Certains passages dialogués peuvent rester parlés, notamment dans les opéras bouffes, l’opérette et les opéras comiques. C’est ce texte, en musique ou non, qui doit être traduit. 

Wikipédia : affiche originale de l’opéra de Wolfgang Amadeus Mozart, Le Nozze di Figaro, 1786.

La partition : une musique. 

Cependant, la musique est faite pour refléter le mot et sa signification. On entend souvent dire que l’italien est une langue chantante: l’opéra italien de Florence prône notamment le soutien des mots par celui des notes. Caccini, pour la création d’Eurydice, affirmait qu’il voulait « s’approcher au plus près du parler naturel ». On trouve cela en français également grâce à la musique baroque, qui est réputée suivre l’intonation de la langue. D’autres écoles, comme celle de Naples, privilégient la musique à l’intrigue, donnant de l’importance à la virtuosité des chanteurs. La musique semble alors l’élément principal d’un opéra. 

Mais si, ce soir, demain, vous allez voir La Flûte enchantée, il est probable que le célèbre air de la Reine de Nuit soit donné en allemand. Entre la barrière de la langue et les suraiguës, me direz-vous vraiment que vous comprenez quelque chose ? 

 

Les contraintes de traduction.

Mais à l’opéra, il faut non seulement restituer le sens, mais aussi  se plier aux notes. Or, si la musique seconde les paroles dans sa langue originale, c’est parce que les notes et le rythme sont fondés sur les accents et les rythmes de la VO. Changer de langue, c’est rompre cette alchimie musicale. Beaucoup d’adaptations sont donc nécessaires pour traduire un morceau. “Don Giovanni”, par exemple, comporte quatre syllabes. Comment le traduire par « Don Juan » (trois syllabes) quand l’air du commandeur comporte quatre notes ?


Le commandeur interprété par Franz-Josef Selig lors de la représentation de Vienna State Opera en 1999. 

De plus, la traduction doit prendre en compte l’émotion, mieux transmise par certaines voyelles et consonnes, mais doit conserver un texte chantable. Ainsi, l’anglais ne traduit pas les « si si si » de Leporello par « yes yes yes », dans le deuxième acte de Don Giovanni adapté par Auden. En effet, cela aurait été impossible à dire pour un chanteur anglais à cause du débit rapide. Ajoutez à ces difficultés les difficultés classiques de la traduction : référence culturelle, équivalence compliquées entre des mots, rimes …, et l’on pourrait presque dire que c’est une mission impossible. 

Le surtitrage, la solution intermédiaire.

Comment comprendre alors ce qui se joue à l’opéra, si on ne peut pas traduire la musique ? À Toronto, le 21 janvier 1981, une solution est testée pour Elektra de Strauss, un opéra allemand. Durant le spectacle, des diapositives affichent le texte chanté, traduit en simultané sur les bords de la scène. C’est l’équivalent des sous-titres au cinéma, on appelle cela « sur-titrage ».

Le surtitrage, c’est quoi? 

Cette technique à plusieurs contraintes. Tout d’abord, le surtitrage peut  détourner le regard de la scène: il faut donc éviter que le texte ne soit trop long. Il est ainsi limité à deux lignes, avec un maximum de 45 caractères. Les répétitions ne sont donc pas traduites. Quelques libertés sont également prises par rapport au texte original, afin d’obtenir des phrases courtes.  De plus, seuls les éléments importants pour comprendre l’intrigue sont gardés. Il ne s’agit donc pas d’une traduction exhaustive. Enfin, la langue employée est simplifiée  pour que le texte soit lu le plus rapidement possible, toujours dans le but de ne pas détourner l’attention du spectateur de la scène.


Photo prise pour Le Soir, de l’Opéra Royal de Wallonie à Liège et de ses écrans de surtitrage.

Le difficile travail de surtitreur.

Ce travail revient à un traducteur spécialisé, appelé le surtitreur. Il doit connaître à la fois les langues et la musique, afin de fournir un texte cohérent également du point de la diction du chanteur : les morceaux de texte inscrits à l’écran représentent une unité musicale. On peut couper une phrase, mais pas une phrase musicale. De plus, il doit adapter son vocabulaire aux intentions de mise en scène. Ainsi, si l’action est modernisée, il ne parlera pas « d’épée » mais « d’arme », voire de « revolver ». Enfin, sa dernière mission est d’insérer suffisamment de diapositives noires afin que le texte soit synchronisé avec la mise en scène.  

Alors ? VF ou VOSTFR ? La majorité des théâtres propose à présent du sur-titrage pour les œuvres en langue étrangère, mais est-ce que, pour autant, il faut arrêter de jouer les adaptations déjà existantes comme Les Mystères d’Isis ? Je vous laisse trancher.

 


Sources :

  • Alix Adrien, Decroisette Françoise  et Heuillon Joël , « La naissance de l’opéra. Traduire la pensée musicale en devenir », Traduire [En ligne], 239 | 2018, mis en ligne le 01 décembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/traduire/1546 ; DOI : 10.4000/traduire.1546
  • Degott Pierre, « Traduire l’opéra, ou la tentation du calque phonique », Palimpsestes [En ligne], 28 |2015, mis en ligne le 01 novembre 2015. URL : http://journals.openedition.org/palimpsestes/2144 ; DOI : https://doi.org/10.4000/palimpsestes.2144
  • Dent Edward J., « The Translation of Operas », in Edward J. Dent: Selected Essays, Hugh Taylor (ed.)Cambridge, Cambridge University Press,  1979. (Article initialement paru dans 1934-1935, Proceedings of the Musical Association 61, p. 81-104)
  • Jakus Miette, “Le problème de la traduction d’opéra illustré par la Flûte Enchantée,in: Équivalences, 3e année-n°2, 1972. pp. 44-48.DOI : https://doi.org/10.3406/equiv.1972.928
  • Kobbé Gustav, Tout l’opéra, de Monteverdi à nos jours, Paris, Robert Laffont,  coll. « Bouquins », 1999.  
  • Syssau Emile, « Le surtitrage à l’opéra », Traduire [En ligne], 243 | 2020, mis en ligne le 15 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/traduire/2202 ; DOI https://doi.org/10.4000/traduire.2202

 

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L’orchestre de chambre, c’est quoi ?

Vous rêvez d’écouter de la musique classique ? Mais lorsque vous en mettez, sur votre enceinte, dans votre chambre, vous n’êtes pas conquis ? Il vous faudrait voir le violon sur votre lit, la flûte devant votre bureau… ? Mais pour résoudre votre problème, il existe une solution : l’orchestre de chambre !

Comme son nom l’indique, l’orchestre de chambre à été créé pour tenir dans une chambre. Certes, il s’agissait à l’origine des chambres du XVIIe siècle, donc peut-être plus grandes que la vôtre… Il a tout de même été créé pour tenir dans un lieu plus intime qu’une salle de concert ou une église, d’où son nom… et sa taille !


Que trouve-t-on dans un orchestre de chambre ?

En effet, on ne trouve pas plus d’une trentaine d’instrumentistes dans un orchestre de chambre. C’est donc un orchestre de taille modeste. 

Vous vous dites sans doute, « une trentaine de musiciens, chez moi, ça ne rentrera pas »… Mais une chance pour vous, il s’agit surtout de petits instruments. En effet, l’orchestre de chambre est constitué d’un pupitre de cordes (violon, alto, violoncelle et contrebasse, le seul vrai encombrant), d’un pupitre de bois (flûtes, clarinettes, hautbois, bassons) et de quelques cuivres, selon les morceaux. Mais surtout, chaque partie est jouée par un instrument soliste ! Au fil des siècles, les compositeurs ont doublée, triplé, quadruplé les parties, ajouté quelques percussions et cuivres, un clavecin ou un piano…, et cela va donné naissance aux orchestres symphoniques que vous connaissez. Mais ceux-là ils ne rentreraient pas dans votre chambre, pour sûr !

pianoweb, composition d’un orchestre classique

Un répertoire particulier ? 

Une fois installés dans votre chambre, que vont-ils vous jouer ? Quelque chose de beau, au moins ? Mais bien sûr, et probablement quelques morceaux que vous connaissez, puisque l’un des grands maîtres de la musique de chambre, c’est Mozart ! On peut citer, par exemple, sces concertos, les numéros pour quatuors, quintettes à cordes, etc. La grande nouveauté amenée par la constitution d’orchestre de chambre est la popularisation d’une répertoire profane, en opposition à la musique sacrée jouée dans les églises. (Ou bien : la naissance de l’orchestre de chambre popularise un répertoire profane, en parallèle de la musique sacrée jouée dans les églises.)

Pourquoi l’orchestre de chambre est-il né au XVIIe siècle ? 

Les grandes fêtes données par Louis XIV épanouissent la vie mondaine du XVIIème siècle. Pour quelque occasion que cela soit, on veut avoir un peu de musique chez soi. L’enceinte n’existant pas encore, on invite quelques musiciens pour jouer du Mozart, du Haydn… Un peu comme dans le film  Intouchables (2011), pour l’anniversaire de Philippe. 

Au XIXe siècle, le romantisme encourage la constitution de grands orchestres. Ainsi, Berlioz composera pour 458 instrumentistes ! Les orchestres de chambres sont un peu oubliés, on ne compose plus pour eux. Au XXe siècle, cependant, ils sont remis à l’honneur, que ce soit par manque de moyens à cause de la crise économique, ou bien dans un soucis esthétique, liés à l’influence de petits ensembles à la mode, de jazz par exemple.e; Een tout cas, la musique pour orchestre de chambre reçoit un second souffle, et ce, pour notre plus grand plaisir !

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Image d’illustration : Orchestre de l’Opéra Royal, dans la galerie des Glaces à Versailles, chateaudeversailles-spectacles.fr

La fugue… tout un art ?

Parmi toutes les formes musicales existantes, la fugue reste sans doute l’une des plus complexes. Très semblable aux canons ou aux entrées en imitation, la fugue n’en demeure pas moins différente. Mais pourquoi appeler cela une fugue ? La musique court-elle pour échapper à quelque chose ? La vérité n’est pas si loin.

Au début du XIVe siècle, le mot latin fuga, ou fugue en français, fait son apparition en musique. Provenant du latin fugere, fuir, et de fugare, chasser, ce terme désigne une technique de composition contrapuntique,c’’est-à-dire que l’écriture y est horizontale et privilégie la ligne mélodique à l’harmonie des accords et à l’écriture dite verticale. L’application du terme fuga à ce type d’écriture vient probablement du fait que les voix semblent se courir après. Elles sont habituellement composées pour trois ou quatre voix, même si certains compositeurs, dont Jean-Sébastien Bach, sont allés jusqu’à composer des fugues à six voix. Une fugue peut être écrite pour diverses formations musicales : voix, orgue, piano, clavecin, orchestre etc.

Canon, fugue ou imitation ?

Ces trois techniques de composition se ressemblent fortement mais chacune possède ses  particularités. 

Un canon se contentera de faire répéter aux différentes voix une même phrase à l’identique mais en décalé. Par exemple, la comptine Frère Jacques est un canon connu de tous. 

Les entrées en imitation se contentent de faire entrer les voix les unes après les autres sur un motif se ressemblant, mais sans pour autant être identique. Les onze premières mesures du Cruxifixus de Antonio Lotti (1667-1740) exposent huit entrées en imitation, allant des basses aux sopranos, qui reprennent un motif rythmique identique et une mélodie dont les notes ne sont pas strictement les mêmes à chaque entrée. 

Enfin, la fugue, quant à elle, ressemble au canon mais suit des règles bien précises tant pour sa forme que pour son contenu.

La fugue se découpe en trois grandes parties : une exposition, une série de divertissements puis une coda pour conclure la fugue. Parmi ces parties, l’exposition reste la plus strictement codifiée des trois. Chaque voix entre sur la même mélodie, appelée « sujet » quand elle est dans le ton principal ou « réponse » quand elle est dans le ton de la dominante. Chaque voix ne peut exposer le sujet qu’une seule fois, alternant entre sujet et réponse. Les voix entrent les unes après les autres et attendent que la précédente ait énoncé l’intégralité du sujet avant de commencer. L’ordre d’entrée des voix est laissé au choix du compositeur. 

À cela peuvent s’ajouter quelques éléments optionnels comme un contre-sujet, sorte de deuxième mélodie moins importante qui sera présentée en même temps que la première réponse et devra être gardée tout au long de la pièce. Il est aussi possible de trouver un « conduit » entre une réponse et un sujet afin de revenir au ton principal.

Après l’exposition, le sujet peut être cité de différentes façons et ce de manière libre. Il peut apparaître sous sa forme de sujet, de réponse ou bien encore être transposé dans une nouvelle tonalité. Il peut aussi subir diverses modifications comme une augmentation (allongement proportionnel des valeurs rythmiques), une diminution (raccourcissement proportionnel des valeurs rythmiques), un renversement (les intervalles ascendants deviennent descendants et inversement), une rétrogradation (le sujet commence par la dernière note et finit par la première etc. Ces modifications peuvent même se cumuler et former une rétrogradation en renversement. Les passages musicaux entre ces occurrences du sujet se nomment « divertissements ». Ils ont pour but à la fois d’amuser et de divertir le public mais aussi l’interprète. Ils peuvent se composer du matériau thématique initial ou bien le compositeur peut proposer une nouvelle idée musicale. Ces sections de divertissements étaient même parfois improvisées.

Enfin, peu avant la coda qui conclut la fugue, il est possible de trouver une « strette » durant laquelle les citations du sujet sont très rapprochées, allant même jusqu’à se chevaucher.

La fugue, de Bach à aujourd’hui

 Vers la fin du XVIIe siècle, la forme de la fugue se cristallise et n’évolue plus que très peu. La fugue connaît son heure de gloire au XVIIIe siècle,avec Jean-Sébastien Bach qui composedes fugues parmi les plus connues. Les plus notables sont les 24 préludes et fugues, L’art de la fugue, œuvre inachevée de Bach et L’Offrande musicale dont le sujet de la fugue a été imposé à Bach par le roi de Prusse Frédéric II. Ce dernier souhaitait donner du fil à retordre au maître, mais d’après la légende, ce dernier après avoir improvisé un ricercare (ancienne forme musicale instrumentale) à six voix, s’est excusé auprès du roi de n’avoir pu faire mieux. Après cette improvisation Bach aurait décidé de travailler plus minutieusement le sujet et composé ainsi L’Offrande musicale. En plus de composer des fugues pour orgues ou pour clavecin, le compositeur en intégrait dans ses pièces vocales ou instrumentales, les plus célèbres étant La passion selon St Matthieu et La passion selon St Jean.

Toutefois, le style de la fugue convient de moins en moins aux goûts de la seconde moitié du XVIIIe siècle et sera finalement  jugé trop intellectuel, lourd et ennuyeux. Avec ce déclin, les œuvres de Bach tomberont en désuétude et seront vite oubliées. Cependant, certains compositeurs comme Wolfgang Amadeus Mozart et Joseph Haydn écrivent quelques fugues comme, chez Mozart, le Kyrie du Requiem, ou la Symphonie n° 41 en ut majeur dite Jupiter, dont le dernier mouvement n’est qu’une longue fugue à cinq voix avec un sujet renversable. Haydn, quant à lui, intègre  des fugues dans plusieurs pièces, telles que sa Symphonie n° 3 en sol majeur, son quatuor à cordes n°3 op. 20 ou encore sa Messe en mi bémol majeur.

Par la suite, d’autres grands musiciens – Beethoven, Mendelssohn ou même Wagner bien plus tardivement – composeront  des fugues, mais plus rarement qu’à l’époque de Bach, et ce malgré la redécouverte des œuvres de Bach par Mendelssohn au début du XIXe siècle. La fugue restera longtemps un genre académique, ancien et désuet employé seulement pour apprendre aux élèves comment gérer les mélodies et les lignes musicales. Par exemple, la fugue employée par Puccini dans sa Messa di Gloria est à l’origine un exercice d’écriture que le compositeur a souhaité réutiliser. De plus, les fugues écrites tout au long du XIXe siècle le sont souvent afin de renvoyer au style de Bach ou à son époque.

 

Aujourd’hui, la fugue reste un genre sous-exploité, et lorsqu’on apprend à écrire une fugue au conservatoire c’est dans le style de Bach. Cependant quelques œuvres actuelles sont des fugues, notamment le deuxième mouvement de La chute de Lucifer de Patrick Burgan. Ce mouvement est une longue et imposante fugue dodécaphonique à douze voix. Le tour de force du compositeur a été d’adapter le genre de la fugue au dodécaphonisme. Les entrées des sujets et des réponses ne peuvent plus suivre la règle d’alternance entre tonique et dominante car ces deux dernières n’existent pas en musique dodécaphonique. Pour pallier cela, chaque entrée de la fugue se fait sur un demi-ton différent du précédent, jusqu’à arriver à la douzième entrée.

La fugue sera toujours étroitement liée à l’œuvre colossale de Bach ; et bien que ce genre puisse être compliqué à aborder tant techniquement qu’à écouter, il  recèle encore de nombreuses perles à découvrir, que ce soit chez Bach ou dans les œuvres d’autres compositeurs antérieurs ou ultérieurs.

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Les lettres et numéros des oeuvres lyriques

Après la mort d’un compositeur, une méthode de catalogage est proposée par un ou plusieurs musicologues, spécialistes reconnus de la vie et de l’œuvre du compositeur. Il s’agit d’organiser et d’ identifier l’ensemble de ses compositions musicales. L’utilisation de numéros d’opus vise à simplifier la recherche, la publication et la classification des compositions d’un musicien. Quelques compositeurs (par exemple Beethoven) ont attribué eux-mêmes ces numéros à leurs œuvres.

L’exemple de Bach

Le catalogue BWV, abréviation de « Bach-Werke-Verzeichnis » (“catalogue des oeuvres de Bach”), répertorie les œuvres de Jean-Sébastien Bach.

Chaque numéro du BWV permet d’identifier de manière unique chacune des compositions de Bach. Ce catalogue a été établi par le musicologue allemand Wolfgang Schmieder en 1950. La Messe en Si mineur, par exemple, porte le numéro d’opus BWV 232. Les musicologues, aujourd’hui encore, ne cessent de découvrir des œuvres de Bach et complètent le catalogue Schmieder. 

Mendelssohn

Le catalogue MKW des œuvres de Mendelssohn est connu sous le nom de « Mendelssohn-Werke-Verzeichnis » (MWV). Il a été établi par plusieurs musicologues. La numérotationdes œuvres est faite sous la forme de numéros d’opus. Par exemple, la Symphonie n° 3 en La mineur est aussi désignée en tant qu’Opus 56.

Le catalogue répertoriant les œuvres de Beethoven est particulier. Il a beaucoup évolué après la mort du compositeur, car il n’existait alors pas de consensus musicologique. 

Beethoven

72 œuvres sont classées avec138 numéros d’opus. Cette numérotation a été établie par les éditeurs de Beethoven, donc elle  suit l’ordre de parution, et non de composition des œuvres. 

Ainsi, des œuvres qui se suivent dans le catalogue peuvent avoir été composées à des périodes très éloignées, comme l’opus 102 et 103, qui datent respectivement de 1815 et 1792. Un autre exemple d’apparente incohérence est celui de l’Octuor à vent en mi bémol majeur, composé en 1792. Il n’a étéédité qu’en 1834 à titre posthume et c’est encore plus tard qu’on lui a attribué son numéro d’opus. On a choisi le numéro d’opus 103 car celui-ci manquait dans la numérotation de Beethoven. On ne sait si cette absence était volontaire de sa part, si c’était une erreur , ou s’il existait une œuvre portant ce numéro d’opus, et qui aurait ensuite disparu.

lus de 300 œuvres de Beethoven ne portent pas de numéro d’opus ; elles  sont classées dans  3 catalogues :

 

  • le catalogue WoO (Werke ohne Opuszahl, littéralement “œuvre sans numéro d’opus”), établi par Georg Kinsky et Hans Halm en 1955.
  • le catalogue AnH (anhang ou appendice) issu du catalogue Kinsky, qui effectue un classement des œuvres d’authenticité douteuse.
  • lee catalogue Hess, paru après celui de Kinsky et établi par Willy Hess, qui complète celui de Kinsky.

 

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Pourquoi tant de religieux dans la musique classique ?

Requiem, messes, oratorios, hymnes… Les œuvres religieuses sont nombreuses dans la musique classique. Essentiellement chrétiennes, elles constituent même un pan entier du répertoire que l’on appelle musique sacrée. Si ce n’est peut-être pas surprenant pour certains, nous allons quand même essayer de réfléchir aux raisons qui ont pu aboutir à un répertoire si prolifique.

En se promenant dans les rues de nos villes, il suffit de compter le nombre de personnes déambulant avec des écouteurs vissés dans les oreilles pour comprendre à quel point la musique fait partie de notre quotidien. Au point qu’il nous est difficile d’imaginer qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Si, par un effort d’imagination, nous remontons le temps de quelques siècles, nous nous rendons vite compte que sans radio ou enregistrement, le seul moyen d’écouter de la musique est de disposer de chanteurs et de musiciens, en chair et en os. Pour le commun des mortels, la musique d’ensemble n’est donc accessible que lors de regroupements, ponctuels ou réguliers, de musiciens. Avant le XXe siècle, la société est imprégnée de religion, non seulement en Europe où la musique classique s’est principalement développée, mais partout dans le monde les offices religieux font partie de ces occasions régulières de jouer et d’écouter de la musique. Le sacré joint d’ailleurs parfois le profane pour apparaître à des occasions qui peuvent surprendre nos esprits modernes.Ainsi sous le règne des rois de France, une dimension religieuse se voit parfois associée à la célébration des grandes victoires militaires. Pour remercier Dieu de la victoire accordée, le souverain fait chanter des Te Deum (hymnes d’action de grâce commençant par  « A toi Dieu notre louange »).

Influence de la musique sur l’homme

Or la musique a toujours été associée aux pratiques religieuses ou spirituelles. Dans les différents chamanismes, la communication avec les esprits se fait via des transes  souvent accompagnées de chants, de tambours et de danses. La musique est utilisée comme un moyen (parmi d’autres) de plonger le chaman dans un état second. L’utilisation récurrente de la musique et des rythmes dans ces rituels est révélatrice du pouvoir qu’ils possèdent sur l’esprit humain. C’est une partie de l’intériorité profondément enfouie en nous qui se laisse toucher par la musique. De même, le chant, dans un mouvement inverse, laisse affleurer et jaillir l’intériorité hors de nous-même pour exprimer pleinement ce que l’on ne peut parfois pas communiquer avec des mots. D’où  les chants funèbres empreints de douleur, tels les thrènes antiques ou les voceros corses. Les assemblées se mettent alors à vibrer au son de la musique dans une sorte de communion. Ces effets anthropologiques, s’ils ne sont pas  théorisés formellement, sont certainement l’une des raisons principales de la présence de musique dans les différentes religions et formes de spiritualité. 

La musique comme révélation d’une réalité transcendante

Saint Augustin, docteur de l’Eglise, est très sensible à la musique. Au IVe siècle, dans le De Musica, il étudie la musique et émet l’idée que Dieu puisses’y révéler :la beauté de la musique seraitrévélatrice de la beauté même de Dieu, qui est perfection. L’ordre et l’harmonie, qui sont présents dans la musique, sont également des attributs divins. Enfin, la musique, phénomène physique invisible, est néanmoins bien réelle et préfigure la félicité qui règne dans les cieux. Saint Augustin affirme que « Qui bien chante, deux fois prie », preuve de la valeur qu’il attribue à la musique. Mais cette dernière, dans la liturgie, a pour but de révéler Dieu et n’est pas une finalité en soi. Il a parfois peur que le croyant s’arrête à la beauté du moyen et ne recherche plus l’objectif divin. Il dit donc : « En ces moments, je voudrais à tout prix éloigner de mes oreilles et de celles de l’Eglise même, la mélodie de ces suaves cantilènes qui servent d’habituel accompagnement aux psaumes de David. »

Saint-Augustin

La liturgie chrétienne

Dans les religions chrétiennes qui se développent en Europe, la musique fait partie intégrante de la liturgie . Le premier exemple venant à l’esprit est le développement du chant grégorien au Moyen-Âge, mais on peut aussi citer le développement de l’orgue, instrument liturgique par excellence, à partir du XIIIe siècle. Le lien entre musique et liturgie est bien plus ancien : il se retrouve dans les origines hébraïques des religions chrétiennes, avec notamment tout le recueil des Psaumes dans l’Ancien Testament qui sont des poèmes destinés à être chantés. Or ce sont ces mêmes psaumes qui, aujourd’hui encore, sont chantés tous les jours dans la liturgie dite des heures dans l’Eglise catholique. L’Eglise ayant un usage pour la musique, elle a développé des charges de maître de musique ou maître de chapelles (Kapellmeister dans les pays allemands), auprès des églises cathédrales ou collégiales, ou même à la cour de princes et de monarques. Il s’agit de professionnels payés pour diriger les chœurs et orchestres animant les offices. Parmi les compositeurs ayant occupé cette charge ou une similaire entre le Moyen Âge et le XIXe siècle, on peut citer Monteverdi, Haendel, Bach, ou Mozart ; et quasiment tous les grands noms de la musique classique de l’époque. Ces postes prestigieux sont certainement à l’origine du vaste répertoire de musique sacrée que nous connaissons aujourd’hui. 

Des compositeurs engagés

Au-delà du mécénat envers la liturgie, le sujet de la religion intéresse les compositeurs à plusieurs niveaux. Outre l’histoire de l’incarnation et de la rédemption par Dieu fait homme, les récits de l’Ancien Testament et l’histoire de l’Église offrent un narratif exceptionnel et vont être une source d’inspiration même au-delà des églises. Par exemple pour l’opéra, Rossini compose un Moïse en Egypte, tandis que Saint-Saëns reprend l’histoire de Samson et Dalila et encore Poulenc avec le Dialogue des Carmélites. Au-delà du sujet de l’œuvre, la musique sacrée doit bien évidemment tourner les hommes vers Dieu, mais pour celui qui la compose, elle peut aussi s’inscrire dans un itinéraire spirituel et prendre la forme d’une offrande  à Dieu. De même que le maçon croyant va construire des cathédrales pour son Dieu, le compositeur offre, lui, de la musique. Ils sont d’ailleurs plusieurs à faire partie du clergé catholique. Tomas Luis de Victoria, compositeur de la Renaissance espagnole, est également prêtre catholique, Vivaldi est ordonné prêtre à l’âge de 25 ans, etFrantz Liszt admet avoir voulu entrer dans les ordres dans sa jeunesse, mais avoir décidé de servir Dieu par son œuvre musicale. Il rejoint à la fin de sa vie le Tiers Ordre Franciscain, une association de laïques et  devient finalement abbé en recevant les ordres mineurs. Ces exemples sont révélateurs de la quête spirituelle sincère qui peut animer ces hommes pendant toute ou partie de leur vie et qui se reflète dans l’exercice de leur art.

Au fil du temps, la musique sacrée a donc fini par constituer une part importante du répertoire classique, mais les œuvres profanes se sont évidemment développées en parallèle, dans de nombreux styles différents. Cela dit, il est rare que les compositeurs se cantonnent  à un unique sujet ou style, ce qui permet la richesse de la musique classique telle que nous la connaissons aujourd’hui.


SOURCES :

Fanny, l’autre Mendelssohn

Si le nom de Mendelssohn vous dit quelque chose, c’est sûrement que vous pensez à Felix. Compositeur renommé, ses œuvres sont connues à travers le monde. Pourtant, il n’est pas le seul Mendelssohn à posséder du talent et de la passion. Sa soeur aînée Fanny n’en est pas moins pourvue, mais c’est une femme, et qui dit femme dit, comme souvent, reléguée dans l’ombre et oubliée.

Un talent sacrifié

Les enfants Mendelssohn reçoivent une excellente éducation musicale. Felix et Fanny démontrent rapidement leur talent et leur passion. Mais si pour Felix, il peut s’agir là d’une carrière, d’un avenir, il n’en est pas question pour Fanny. À quatorze ans, elle joue tout Le Clavier bien tempéré de Bach de mémoire pour l’anniversaire de son père. Pourtant, celui-ci est formel : la musique ne sera jamais rien d’autre pour Fanny qu’un passe-temps, au mieux un argument en sa faveur pour lui trouver un bon mari. Au début du XIXe siècle, la musique n’est pas un métier pour les jeunes filles de bonne famille.

Fanny qui, à quinze ans, est une excellente pianiste et compose déjà avec enthousiasme, se voit donc interdire les concerts publics et la publication de ses compositions. Alors que son frère voyage, se produit, se perfectionne, elle doit apprendre le rôle et les devoirs traditionnels d’une femme. Et si elle n’abandonnera jamais ni la musique, ni la composition, celles-ci resteront longtemps pour elle ce qu’on leur impose d’être : des loisirs. Elle joue en privé du Bach, du Beethoven, et parfois ses propres compositions.

Empêchée de s’adonner pleinement à sa passion, elle se consacre à la carrière de son frère, dont elle est très proche.

La rencontre

Très jeune, Fanny rencontre le peintre Wilhelm Hensel. Ils se marient des années plus tard, en 1829, et elle est enfin libérée du joug familial. Son mari, contrairement à son père et à son frère, l’encourage à jouer, à composer, à publier ses œuvres.

En 1839, le couple part pour l’Italie et passe plusieurs mois à Rome. Cette expérience est libératrice pour Fanny : elle rencontre des artistes, peintres ou compositeurs, découvre les splendeurs de la Rome antique, commence enfin à s’affranchir du rôle qu’on lui a toujours demandé de jouer. Appréciée par ses pairs, comme Charles Gounod, pour son esprit, son talent de pianiste et ses compositions, elle prend confiance en elle et en sa musique.

Néanmoins, il faudra encore plusieurs années avant qu’elle ose enfin braver l’interdit familial et fasse publier ses compositions signées de son nom. En 1846, elle fait paraître plusieurs de ses Lieder, œuvres pour piano et œuvres vocales pour chœur. Hélas, elle n’aura pas le temps de profiter de sa nouvelle renommée car elle s’éteint en mai de l’année suivante, emportée par une crise d’apoplexie, à seulement quarante-et-un ans. Après sa mort, son époux continue à faire publier ses créations.

Mendelssohn VS Mendelssohn

Ni ses professeurs, ni son frère Felix ne s’y trompent : le talent de Fanny est connu de tous. Mais Felix partage les idées de son père sur la place de la femme dans la société. Pourtant, il aime tendrement sa sœur, apprécie ses capacités, se tourne vers elle pour qu’elle le conseille dans sa musique. Mais il ne l’encourage pas pour autant à poursuivre ses rêves, car pour lui elle n’a pas sa place dans le monde de la musique. Il contribue grandement à la maintenir dans l’anonymat.

Malgré les désirs de Fanny, Felix reste persuadé qu’elle ne peut ni ne veut être compositrice, puisqu’elle est femme. S’il refuse qu’elle publie officiellement sa musique, il fait paraître plusieurs morceaux de sa sœur sous son propre nom, mêlés à ses créations, avec l’accord de Fanny. Ils ont beaucoup de succès, autant que ses propres pièces, parfois davantage. En 1842, à Buckingham Palace, la reine Victoria réclame à Felix son Lied favori. Pas de chance pour lui, il s’agit d’une composition de Fanny, comme il l’avoue à la monarque. Cela ne suffit pas à le convaincre de laisser sa sœur partager ses compositions : elle peut, mais elle ne le doit pas. Que la musique de Fanny plaise au public n’y change rien.

Marqué par le décès prématuré de sa sœur, Felix s’accorde avec Wilhelm pour enfin faire paraître les œuvres de la défunte sous le nom de leur compositrice. Quelques-unes seulement, car le temps lui manque, puisqu’il meurt six mois seulement après son aînée.

Fanny Mendelssohn laisse derrière elle plus de quatre-cents pièces, dont certaines n’ont été publiées que cent quarante ans après sa mort.


Sources

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Psaume 42 de Mendelssohn : le Psaume des noces

À l’âge de 28 ans, Felix Mendelssohn commence la composition du Psaume 42, Wie der Hirsch schreit. Très tôt, il pressent que son œuvre sera réussie. “Un chœur et une partie soliste [dans le psaume] me rendent particulièrement heureux”, déclare-t-il à Ferdinand David, premier violon du Gewandhaus de Leipzig, en juin 1837.

 

“Cher Felix, dis-m’en plus sur ton psaume, Wie der Hirsch schreit (comme un cerf altéré cherche l’eau vive). Rée-t-il à 4 voix ou à 8, a cappella ou accompagné ?”
Lettre de Fanny Mendelssohn à son frère Felix, 10 juillet 1837.

 

Un voyage de noces en musique

En juillet 1836, à la faveur d’un remplacement en tant que chef de chœur, Felix Mendelssohn s’éprend de Cécile Jeanrenaud. Pour vérifier les sentiments qu’il éprouve à son égard, il s’absente et suit une cure à Schéveningue (Pays-Bas).

Les jeunes amoureux finissent par convoler en mars 1837 et gagnent Fribourg et la Forêt-Noire pour leur lune de miel. C’est dans ce cadre idyllique que le compositeur s’empare du texte biblique. 

Un texte protestant contrasté

Le Psaume 42, attribué aux fils de Coré1, est issu de l’Ancien Testament. Depuis la Réforme, il a été mis en musique par de nombreux compositeurs allemands, notamment par Bach. Issu d’une famille juive convertie au luthéranisme, Mendelssohn s’inscrit volontairement dans la ligne de ses coreligionnaires, en composant à son tour sur ce poème prêté à des révoltés. Les psalmistes prennent l’image d’un cerf altéré qui soupire après l’eau vive pour décrire le combat spirituel d’un croyant en proie au doute. Deux grands mouvements de l’âme se côtoient : d’un côté, le doute et la mélancolie, de l’autre l’espérance et la foi triomphante. Ces sentiments se renforcent mutuellement par le jeu du contraste. Ainsi la succession du récit angoissé Mein Gott, betrübt ist au chœur glorieux Harre auf Gott met en relief la tristesse du croyant esseulé.

Un psaume-cantate du XIXe siècle

Mendelssohn est marqué par les œuvres de Bach et de Haendel, qu’il a notamment chantées à la Singakademie2 de Berlin avec sa sœur Fanny. Le terme de psaume-cantate est souvent employé pour désigner ses psaumes, en référence à la structure des cantates baroques, composées de chœurs et d’airs introduits par des récitatifs. De même, l’emploi d’un hautbois obligé3 pour l’air Meine Seele dürstet nach Gott sonne comme un hommage au cantor de Leipzig. Mais plus encore que de Bach, le compositeur s’inspire de Haendel. En 1835, il se procure une édition en 32 volumes de son œuvre, et notamment des psaumes-cantates pour chœur et orchestre. On constate cette influence dans l’emploi des timbales et des cuivres sur la doxologie.

 


1 Coré est une figure de l’Ancien Testament, connu pour avoir mené une révolte contre Moïse et Aaron.

2 Fondée en 1791, la Singakademie de Berlin a pour vocation de conserver et de donner des représentations de la musique chorale sacrée du XVIIIe, et notamment de celle de Bach.

3 L’instrument obligé (obligato) est utilisé depuis l’époque baroque pour accompagner le chanteur, formant avec lui un duo. Le plus souvent, l’instrument figure l’âme du chanteur. Il ne peut pas être remplacé par un autre instrument, et sa partie ne peut être supprimée.

 


Felix Mendelssohn (1809-1847)

Psaume 42 pour chœur, solo et orchestre op. 42 Wie der Hirsch schreit

 

Chœur Wie der Hirsch schreit

Air Meine Seele dürstet nach Gott

Récitatif Meine Tränen sind

Air et chœur Denn ich wollte

Chœur Was betrübst du dich

Récitatif Mein Gott, betrübt ist

Quintette Der Herr hat des Tages

Chœur Was betrübst du dich

 

Composition : 1837-1838.

Création : le jour du nouvel an 1838, au Gewandhaus de Leipzig, pour la version en quatre mouvements ; le 8 février 1838 à l’occasion d’un concert de charité, au Gewandhaus, pour la version en sept mouvements, sous la direction du compositeur.

Effectif : soprano solo – chœur mixte – 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 2 cors, 2 trompettes, 3 trombones – timbales – orgue – cordes

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Qui est Felix Mendelssohn ?

Quoi de commun entre le Psaume 42 et l’Ouverture du Songe d’une nuit d’été ? Entre les Variations sérieuses et la Symphonie italienne ? Entre la Symphonie « La Réforme » et les Romances sans paroles ? Dans la musique de Mendelssohn (1809-1847), la science du contrepoint et la solennité religieuse côtoient le pétillement, le lyrisme et la légèreté.

Itinéraire d’un enfant prodige

À l’âge de dix-huit ans, ce musicien aussi précoce que sa sœur Fanny avait déjà écrit deux chefs-d’œuvre : l’Octuor à cordes et l’Ouverture du Songe d’une nuit d’été, « ruissellement de jeunesse » dont s’émerveilla Schumann. Formé auprès de Carl Friedrich Zelter, fondateur de la Singakademie berlinoise, le jeune Felix tissa des liens étroits avec le répertoire ancien, qu’il contribua plus tard à diffuser. En 1829, l’exécution sous sa direction de la Passion selon Saint Matthieu de Bach fut un épisode marquant de sa carrière : l’œuvre n’avait jamais été jouée en public depuis la mort de son auteur.

Une œuvre au carrefour des styles

Bach fut d’ailleurs un modèle privilégié pour Mendelssohn, ce dont témoigne, outre les Préludes et fugues pour orgue, une œuvre chorale considérable : deux oratorios achevés, Paulus et Elias, et un grand nombre de motets et de cantates  — dont un Jesu meine Freude. Ces contributions majeures au répertoire sacré du XIXe siècle se doublent d’une œuvre instrumentale incontournable, que ce soit à l’orchestre, au piano, à l’orgue ou en musique de chambre. À la fois compositeur, chef d’orchestre et pédagogue, ouvert sur la culture littéraire et artistique de son temps, Mendelssohn laissa une œuvre radieuse, à la croisée du romantisme et de l’équilibre classique.

 


Sources 

  • Larry Todd, « Mendelssohn (-Bartholdy), (Jacob Ludwig) Felix », Grove Music Online, 2001, consulté le 25 novembre 2023.
  • Brigitte François-Sappey, Felix Mendelssohn. La lumière de son temps, Paris, Fayard, 2008.

 

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Symphonie n°1 de Beethoven : la première d’entre-elles

Beethoven dédie sa symphonie au baron Van Swieten, l’un de ses premiers protecteurs à Vienne, mélomane et ami de Wolfgang Amadeus Mozart, ainsi que de Joseph Haydn. Le public viennois accueille positivement cette symphonie, n’y opposant que quelques critiques négatives. Ces dernières reprochent au compositeur son style trop « militaire », ainsi que les étonnantes libertés qu’il se permet déjà de prendre avec les codes de l’époque.

 

Les premières mesures de la symphonie présentent une introduction lente, qui, au lieu d’affirmer la tonalité principale comme pourrait l’attendre le public, créent une instabilité tonale et suggèrent trois tonalités successives, fa, do et sol. Puis, cette introduction lente se stabilise enfin en do, et déroule une mélodie calme et tendre.

L’Allegro qui suit, de forme-sonate1, se compose d’une exposition à deux thèmes : un premier, très rythmique, donné aux cordes, et un second, plus mélodique, qui déploie un jeu de questions/réponses entre les cordes et les bois. Le développement, très modulant, se construit autour du premier thème. Puis, la réexposition donne à nouveau à entendre les deux thèmes, avant de se terminer par une coda.

L’Andante cantabile con moto, de forme-sonate, comme l’allegro précédent, évoque sans peine le deuxième mouvement de la Symphonie n° 40 en sol mineur de Mozart. Son premier thème nous présente un fugato : les instruments entrent successivement sur un motif léger, émaillé de rythmes pointés. Le second thème diffère peu du premier, mais emploie le ton de la dominante. On y retrouve l’articulation de deux notes liées dans un intervalle ascendant, les rythmes pointés et la légèreté des croches, tantôt piquées tantôt liées. L’originalité de ce mouvement réside dans l’utilisation des timbales dans la codetta, qui effectuent un très discret ostinato sur le rythme pointé. Le développement se base sur l’ostinato rythmique, repris par les cordes. Un jeu de questions-réponses s’instaure alors entre les bois, puis entre les cordes et les vents. La réexposition reprend les deux thèmes : le premier, légèrement varié avec un contrechant aux violoncelles, puis le second, cette fois dans la tonalité principale. Enfin, la coda fait entendre une dernière variation du premier thème.

Le troisième mouvement porte  l’indication menuetto sur la partition, mais son tempo très vif annonce davantage un scherzo2. Beethoven n’emploie d’ailleurs plus par la suite le terme de menuetto. Un peu plus éclairci dans ses timbres, le trio central du mouvement, présente un second scherzo, enchâssé dans le premier, durant lequel les interventions volubiles des violons répondent aux appels pastoraux des vents. Enfin, après un Da Capo (reprise depuis le début du menuet), le quatrième mouvement suit, sans interruption.

Ce dernier débute par une introduction lente, où s’opposent la puissance d’un accord parfait de sol majeur, joué par tout l’orchestre, et les gammes hésitantes des violons, d’abord courtes, puis de plus en plus complètes. La dernière gamme, jouée intégralement, sert de base à l’Allegro final, espiègle et enjoué, de forme‑sonate. La réexposition se conclut par deux points d’orgue interrogatifs ; puis, s’ensuit une coda reprenant le motif principal, assorti d’une marche joyeuse aux hautbois et aux cors.


1 Le terme forme-sonate désigne une forme musicale en 3 parties : exposition, développement, réexposition. Son intérêt se trouve dans ses thèmes contrastés ainsi que leur entremêlement dans le développement.

2 Héritier du menuet, le scherzo est une forme musicale à 3 temps, légère et vivace. Il est suivi par un trio à 3 temps, avant la reprise du scherzo. Là où le menuet se veut dansant, le scherzo se veut joueur.


Adagio molto – Allegro con brio

Andante cantabile con moto

Menuetto. Allegro molto e vivace

Adagio – Allegro molto e vivace

 

Composition : entre 1799 et 1800.

Création : le 2 avril 1800 à Vienne, sous la direction du compositeur.

Effectif : flûtes, hautbois, clarinettes et bassons par deux, cors et trompettes par deux, timbales, cordes.

Durée : environ 27 minutes.

 


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Qui est Ludwig van Beethoven ?

Né à Bonn en décembre 1770, Ludwig van Beethoven est forcé dès son plus jeune âge à s’entraîner au piano plusieurs heures par jour. Son père, musicien médiocre, a détecté très tôt le talent de son fils, et est bien décidé à le voir suivre le chemin tracé quinze ans plus tôt par le célèbre Mozart.

Vienne

Beethoven rencontre Mozart lors de son premier voyage à Vienne en 1787. Après une suite de deuils familiaux, il n’y revient qu’en 1792 pour étudier avec Joseph Haydn. Durant ses études dans la ville impériale, il se fait connaître comme pianiste virtuose et improvisateur de génie, avant de publier ses premières compositions.

Révolutions musicales et idéologiques

Inspiré par la Révolution française, Beethoven adopte des idées libérales qui le guideront aussi à travers son approche de la musique. Bousculant les codes musicaux de l’époque, il se détache de ses premières influences, comme Haydn ou Mozart, et innove, notamment avec ses symphonies. Son œuvre représente la transition entre le classicisme et le romantisme.

Surdité

Dès l’âge de 26 ans, Beethoven commence à prendre conscience d’une perte d’audition progressive, qui finit par le laisser complètement sourd. Malgré ce handicap, Beethoven ne cesse jamais de composer : assis par terre devant un piano dont il a scié les pieds, il continue de vivre la musique grâce aux vibrations qu’il ressent à travers le sol.

Fréquemment malade, il finit par s’éteindre à Vienne en 1827. Il laisse derrière lui une musique qui a ouvert la voie à de nombreux autres compositeurs, tels Brahms, Schubert et Wagner.

 

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