Faut-il être fou pour composer ?

 

Question qui a pu faire bruisser les conversations sur la créativité : le génie est-il lié à la folie ? L’acte de création requiert-il une désertion des schémas de pensée de l’humain, un arpentage des chemins de la démence ? Eh bien non. Ah pardon, j’ai spoilé ? Alors reprenons, si vous le voulez bien…

 

Être ou ne pas être fou 

Il convient d’abord de se mettre d’accord sur la définition du mot “fou”. Qu’est-ce que la folie ? Est-ce qu’il s’agit d’une définition clinique, qui recouvre plusieurs pathologies précises, nécessitant un diagnostic ? Ou appelle-t-on folie tout comportement qui sort des normes préétablies par une société en constante mutation ?

Si l’on se réfère au premier cas, alors je ne vois pas en quoi le poids d’une maladie lourde et dangereuse serait un terreau fertile à la créativité. Dans le deuxième en revanche, on a plus de chance de trouver l’espace nécessaire à l’exploration des possibilités. Il est plus facile, quand on a beaucoup d’imagination, de ne pas se conformer à des règles arbitraires qui n’ont pas forcément de sens…

Mais alors, si on se penche sur l’histoire, trouve-t-on plein de créateurs et de compositeurs fous ? Ou est-ce vraiment un mythe, comme la solitude des génies ? Bon, il y avait bien Schumann, qui avait des hallucinations auditives ; Schönberg qui était terrorisé par le chiffre 13 ; et Scriabine qui a essayé de marcher sur l’eau. Certains compositeurs étaient donc bien atteints de pathologies psychiatriques. D’un autre côté, nous avons les exentriques tels que Satie, qui a acheté d’un coup sept complets jaune moutarde qu’il a ensuite porté pendant des années. Mais est-ce vraiment la norme chez les compositeurs ?

Pas vraiment. La musique est un art difficile, sa partition est un langage, sa composition répond à des règles strictes, même si les plier et les réinventer est justement l’art du compositeur. Difficile donc de composer si l’on est complètement fou quand les contraintes sont aussi fortes. La vraie folie entrave, elle ne libère pas. Parfois, ce qui distingue le génie de la folie, le talent de son absence, c’est le succès, qui à l’occasion se corrèle au temps.

Mais alors, pourquoi cette légende, qui perdure depuis l’antiquité, de la folie chez les compositeurs et, plus généralement, chez les artistes ?

 

Plus on est de fous plus on crée 

Une autre définition mérite qu’on se penche un instant dessus. Qu’est-ce que le génie artistique ? Demandez à dix personnes et je pense que vous obtiendrez dix interprétations différentes. Il n’est pas évident de donner à l’art des contours nets, alors comment définir les termes de son succès ?

Et si ce qu’on appelle créativité était simplement une capacité à penser en dehors des clous, à sortir des sentiers battus, à utiliser la norme pour fabriquer la nouveauté ? À créer l’inattendu, quelque chose de différent de ce que la majorité aurait fait dans la même situation ? Ce qu’on appelle folie serait alors cette même capacité confrontée à la vie de tous les jours. Dans ce cas, la folie influe-t-elle sur la créativité, ou la créativité sur la folie ? Ne font-elles qu’un ? Ou au contraire, n’y a-t-il aucun lien entre elles ?

Si l’on doit admettre qu’un certain nombre d’artistes sont des excentriques, chacun à leur manière particulière, alors on peut y voir une connexion. Mais l’excentricité n’est pas la folie. Au contraire, il semblerait que l’art permette à celles et ceux qui le pratiquent de rester plus sains d’esprit. Ils seraient moins touchés par les névroses et les maladies mentales. La création part d’une idée, quelle qu’elle soit, et les idées ont besoin de temps pour naître, pour mûrir, pour advenir, et ensuite d’un cadre pour s’exprimer. Cette période d’incubation et cette capacité de restitution nécessaires sont plus difficiles à pratiquer dans la maladie. En réalité, la création équilibre la différence, la transforme en originalité.

 

Un fou vaut mieux que deux tu l’auras

  Le lien entre l’art et la folie n’est donc pas celui qu’on croit. On confond génie et créativité, folie et écart des normes.

En revanche, des études ont prouvé que la pratique de l’art pouvait aider les patients atteints de maladies mentales. Comme pour ces compositeurs un peu à la marge, la pratique de l’art permet à certaines personnes atteintes de troubles de trouver une sorte d’exutoire, un moyen de mettre en forme leurs maladies et les sentiments qui les habitent.

D’autres chercheurs auraient cependant trouvé des similitudes de fonctionnement entre le cerveau des personnes créatives et celui des personnes psychotiques… Comme quoi, nul n’est parfait.

Alors rassurez-vous, si vous voulez peindre ou composer un opéra, pas besoin de prendre rendez-vous chez votre psychiatre, la folie n’est pas un prérequis. Un peu d’indépendance d’esprit et d’imagination, et peut-être un soupçon d’extravagance, en revanche…

 

 

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Musique et nourriture

 

Est-ce que nos ancêtres de la préhistoire mangeaient en musique ? Je ne sais pas, même s’il peut être amusant de l’imaginer. Mais il est sûr que depuis sa sédentarisation, l’être humain se plaît à faire rimer musique et nourriture. Des fresques de l’Egypte antique aux tableaux de la Renaissance, en passant par les frises romaines, depuis longtemps les banquets s’accompagnent de musique. Un peu comme on sait que des pâtes sans fromage râpé, c’est triste, on est conscient que la bonne musique peut habiller le meilleur des repas. Mais pourquoi ?

 

Mais alors, quelle relation entre musique et nourriture ?

Manger, ce n’est pas seulement une question de goût, c’est une expérience multisensorielle. Les odeurs sont tout aussi importantes que les saveurs, les textures également, et même les sons. On est d’accord qu’une chips toute molle, ce n’est pas pareil qu’une chips qui craque sous la dent. Si on n’entend pas “cronch cronch” quand on mange du pop-corn, ce n’est probablement pas du pop-corn, ou alors il aurait dû être mangé il y a longtemps. Que celui ou celle qui n’a jamais pris plaisir à enfoncer sa cuillère dans un moelleux au chocolat me jette la première pierre !

Si depuis (presque) toujours, on associe la musique à nos bons repas, ce n’est pas pour rien. Des études de psychologie ont montré que la musique, ou plus généralement les sons ambiants, influent sur notre goût et notre façon de manger. Trop de bruit et notre cerveau a du mal à se concentrer sur le goût des aliments, percevant moins le salé ou le sucré. Sans surprise, une musique énergique et entraînante nous incite à manger plus et plus vite. Au contraire, une musique calme et apaisante va nous pousser à mâcher plus lentement, à prendre le temps de savourer nos plats.

Bref, les sons, et donc la musique, modifient notre perception des aliments et notre façon de vivre les repas. Certains sons auraient la capacité de faire ressortir certaines textures, certaines saveurs, pour les magnifier. D’autres pourraient à l’inverse nous empêcher de savourer pleinement ce que nous mangeons.

Forts de ces nouveaux savoirs, certains ont commencé à chercher les associations parfaites entre les musiques et les nourritures. Car une musique soigneusement choisie en fonction du repas pourrait en améliorer l’expérience ou, au contraire, en affecter le déroulement.

 

Ces musiques qui parlent de nourriture

Forcément, cette relation symbiotique entre la nourriture et la musique, il fallait l’illustrer en conséquence. Quoi de plus logique, alors, que de composer des musiques qui parlent de nourriture ? Depuis les comptines enfantines (“J’aime la galette, savez-vous comment ?”) jusqu’aux grands airs d’opéra (“Già la mensa é preparata”) en passant par les classiques de la chanson française (“Aragon et Castille”), il y a de la nourriture partout dans la musique. Et ne me lancez pas sur le sujet des chansons à boire…

Rossini s’amuse avec les desserts et les hors-d’oeuvres, Bach ose une Cantate du café, Ravel n’hésite pas à mettre en scène une tasse et une théière ou à jouer de la râpe à fromage dans l’Enfant et les sortilèges – tout le mobilier s’anime, ce qui branche automatiquement mon cerveau sur La Belle et la Bête de Disney -, et Tchaïkovski associe le chocolat à la danse espagnole, le café à la danse arabe, le thé à la danse chinoise, etc. dans Casse-Noisette. Cet engouement pour la nourriture musicale ne date pas d’hier.

Offenbach n’est pas en reste. Toute son œuvre est parsemée de références à la bonne chère et à la boisson. On veut se mettre à table dans La Vie Parisienne, on se révolte contre le nectar et l’ambroisie dans Orphée aux Enfers, on apprécie le thé dans Geneviève de Brabant, on chante le jambon de Bayonne dans Trombalcazar, on se méfie du pot-au-feu dans Robinson Crusoë, on prépare des gâteaux dans Madame Favart, et même les petites cuillères ont leur mot à dire dans L’ile de Tulipatan ! On l’aura compris, Offenbach avait adopté l’art de vivre à la française.

Même notre vocabulaire marie la musique et la nourriture. En cuisine, on peut trouver un chef et sa baguette, ce qui est aussi le cas dans une salle de concert. Batterie et piano se perdent entre musique et cuisine, une note de sucre peut se cacher sous une cloche thermique, et il y a plusieurs façons de déguster un opéra… Peut-être avez-vous déjà goûté un tournedos Rossini, une pêche Melba ou une poire Belle-Hélène, mais savez-vous que ces plats doivent leurs noms à la musique ?

 

Les conseils de la rédaction

Enthousiasmée par les découvertes faites au cours des recherches pour cet article, je me permets de vous proposer ma propre recette, avec son association d’aliments et de musique. Promis, j’ai choisi les gâteaux les plus simples du monde, les rochers à la noix de coco. 10 minutes de préparation, 10 minutes de cuisson et très durs à rater.

Il vous faut un saladier, une fourchette, un verre doseur et une plaque de four garnie de papier cuisson.

Seulement trois ingrédients : 3 blancs d’oeufs, 100g de cassonade et 125g de noix de coco râpée (je rajoute aussi du sucre vanillé pour donner un petit goût, mais vous n’êtes pas obligés).

Faites préchauffer votre four à 180° (thermostat 6).

Dans un saladier, mélanger le sucre et la noix de coco. Ajouter les blancs d’oeufs et bien mélanger. Sur la plaque, faire des petits tas assez espacés à l’aide d’une cuillère à café. Mettre au four 10 à 15 minutes. Les rochers doivent dorer sur le dessus. Sortir et retirer de la plaque avant de laisser refroidir.

Vous voyez, je n’ai pas menti, on ne peut pas faire plus simple. Maintenant, la musique. Je vous conseille de la mettre d’abord en cuisinant (parce que franchement, ça donne la patate) et ensuite en servant les rochers à vos invités. Juste… pour voir.

 

 

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Pourquoi les ténors sont-ils toujours gentils ?

La scène est connue. Le prince charmant s’approche de la plus haute salle de la plus haute tour. Il est beau, il est jeune, et si c’est une comédie musicale ou un dessin animé pour enfant, il va sans doute pousser la chansonnette.
Et  comme c’est un gentil, un jeune homme, un bel homme, il aura une voix… de ténor.
Car, il faut le savoir, dans la grande répartition des rôles par voix, le ténor est toujours le gentil.
Pensez au prince charmant dans Blanche Neige ! Trop lointain dans votre mémoire ? Pensez à Zac Efron dans High School Musical ! Pensez à Tony dans West Side Story. Pensez à n’importe quel gentil qui chante ! Ce sera forcément un ténor. 

 

Tout d’abord, qu’est ce qu’un ténor ? 

Étant serviables, nous vous épargnerons d’aller chercher la réponse sur un moteur de recherche bien connu.
Un ténor, c’est une voix d’homme, la plus aiguë dans les registres de voix d’hommes.
Ainsi, de haut en bas, vous aurez :
– le contre-ténor, dit le freluquet
– le ténor, dit le bellâtre

– le baryton, dit celui qui ne sait ni monter bien haut, ni descendre bien bas
– la basse, dit l’homme viril.

Tout est une histoire de hauteur de note donc, d’étendue vocale. Mais pas seulement.
Le ténor est celui qui saura chanter très aigu avec une voix dite mixte.
Vous pouvez chanter avec une voix de poitrine, il vous suffit de faire “Hoho Joyeux Noël” avec une voix de père Noël. Mettez votre main sur la poitrine, vous la sentez vibrer ? C’est normal, c’est la voix de poitrine. Maintenant prenez une voix très aiguë, type les petites souris de Cendrillon. C’est strident, votre poitrine ne vibre plus, le son vibre uniquement dans le visage. C’est la voix de tête.
Un contre-ténor utilisera sa voix de tête pour atteindre des notes très aiguës.
Un ténor utilisera une voix qui vibre dans la poitrine et dans la tête, pour atteindre des notes un petit peu moins aiguës, il est vrai. 

 

Une convention bien pratique

Pourquoi le ténor serait-il toujours gentil ?
Vous l’aurez compris, cela ne tient pas tant à la personnalité du chanteur qu’aux caractéristiques premières du personnage qu’il incarne.
En effet, un opéra doit faire tenir des histoires parfois longues et compliquées, en très peu de temps- même s’il peut vous paraître long quand vous êtes assis dans des fauteuils inconfortables ! Ici nul sous-titre : tout doit être compris très rapidement, et le signifiant a presque autant d’importance que le signifié. Autrement dit, sans pédantisme cette fois-ci, les symboles utilisés sur scène ont autant de poids que les mots utilisés pour raconter explicitement l’histoire.

Ainsi l’opéra repose sur des conventions bien pratiques.
Une voix aiguë représente la jeunesse, reposant en cela sur notre expérience universelle des voix qui deviennent graves à l’âge adulte, à cause de l’étirement et l’épaississement des cordes vocales, ainsi qu’au changement de place du larynx.
Avec la jeunesse, se joignent d’autres représentations communes dans la culture occidentale, reposant sur des archétypes. La jeunesse est naïve, la jeunesse s’enflamme d’un premier amour, etc.
Parmi ces archétypes, vous aurez Tony, dans West Side Story de Berstein, Tonio dans la Fille du Régiment de Donnizzeti, ou Calaf dans Turandot de Puccini et Siegfried dans L’anneau du Nibelung de Wagner. 


Ils seront incarnés par des chanteurs dont l’âge importe peu, tant qu’ils ont la voix d’un jeune homme, une voix de ténor. Ainsi Placido Domingo interprète en 2007, à 66 ans, le rôle d’Oreste dans Iphigénie en Tauride, personnage qui doit avoir une trentaine d’années. 

 

Une convention qui a évolué dans le temps

Rien n’étant gravé dans le marbre, et si, au début de l’opéra, on confia au ténor les rôles de jeune premier transi d’amour, comme Orfeo dans l’Orfeo de Monteverdi, il se vit ensuite dévolu aux personnages mineurs ou bouffons.
En effet, vers le XVIIe siècle, le castrat remplaça le ténor. Ces nouvelles voix, plus souples et plus aiguës, s’emparèrent des rôles de jeune premier et repoussèrent le pauvre ténor un peu plus bas dans l’échelle des personnages. Ainsi dans l’Orfeo de Rossi, Orfeo est interprété par un castrat, et le ténor ne joue plus que des rôles secondaires, comme celui de Caronte, ou Charon, qui fait traverser aux morts le Styx pour se rendre aux Enfers.
L’arrivée de rôles de femmes travestis renforce encore le lien entre jeunesse et voix aiguë : le jeune homme à peine sorti de l’enfance pourra désormais avoirune voix de mezzo-soprano.
Le ténor devient alors le père, le tyran, voire prend des rôles de méchant, comme Tybalt dans I Capuleti e i Montecchi de Bellini – 
Roméo, quant à lui, est interprété par une mezzo-soprano, car plus jeune que son ennemi juré Tybalt ; le baryton tient le rôle du prêtre, représentant la sagesse ; et le père de Juliette sera chanté par une basse, pour incarner l’autorité. 

Une convention dont on peut jouer : l’ambiguïté du ténor

La convention, si elle est une contrainte pratique, peut aussi devenir subversion et ainsi être doublement porteuse de sens.

Ainsi dans Rigoletto de Verdi, le ténor est un jeune homme riche, qui va se jouer de la pauvre Gilda, la séduisant pour mieux l’abandonner.. Ici se déploie les multiples registres théâtraux possibles de la voix du ténor trouve toute sa puissance. Il est à la fois ce jeune amoureux, plein de fougue, tel un Roméo. Mais aussi ce jeune homme sans foi ni loi, guidé par son seul plaisir.

L’ambiguïté peut-être encore plus poussée, sortant les personnages d’un simple manichéisme.
Par exemple, Don José et Escamillo se disputent les faveurs de Carmen. Don José, amoureux transi et jeune officier, est ténor. Escamillo, le torero séducteur, représente la richesse d’un milieu social aisé, et la stabilité pour une Carmen qui se lasse d’être sur les routes à la merci du destin ; il est donc baryton-basse, évidemment.
La voix de ténor de Don José porte en elle toutes les contradictions de son rôle. Don José est un jeune naïf au début de l’opéra. Mais c’est également un soldat, dévoré par la jalousie, qui finit par tuer Carmen de dépit. Ainsi, sa voix de ténor, porte dès le début, la tension entre une forme d’innocence de l’amour, et la réelle violence de l’expression du désir, jusqu’à la violence.

Enfin, on peut se jouer des conventions pour mieux créer des décalages qui provoquent le rire. C’est ce que fait Offenbach, bien au fait des conventions historiques entourant la voix de ténor, dans Orphée aux Enfers.
Orphée est à nouveau chanté par un ténor, mais il n’est plus un jeune poète énamouré. Au contraire, il se réjouit de la mort de sa femme, dont la disparition bienvenue lui permet de batifoler librement avec les nymphes.
De même, Aristée, le jeune pâtre qui séduit Eurydice, se révèle être Pluton, dieu des Enfers. Sa voix de ténor, parfois utilisée même en voix de tête dans l’air où il se présente, souligne son côté faux, menteur. En deux couplets, nous comprenons qu’il n’est pas ce qu’il paraît être. Plus tard, il utilisera cette même voix aiguë pour flagorner le roi des dieux, soulignant à nouveau la fausseté de son propos. Le décalage provoque ainsi le rire, de manière presque guignolesque. 

 

 

SOURCES :

[https://www.olyrix.com/artistes/2881/placido-domingo/biographie]

[https://www.nationalgeographic.fr/sciences/vieillissement-muscles-cordes-vocales-pourquoi-notre-voix-change-t-elle-avec-age]
[https://fr.wikipedia.org/wiki/Castrat]
[https://fr.wikipedia.org/wiki/Orfeo_(Rossi)]
[https://www.oyakephale.fr/blog/le-role-travesti-de-fragoletto/]

 

Rédaction de l'article

Lexique : mieux comprendre les opérettes d’Offenbach

« – Offenbach, c’est vieux.  C’est de l’opéra en plus, on va rien comprendre ! Le vocabulaire n’est jamais clair !

-C’est vrai, mais pour y voir plus clair, quelques mots inhabituels traduits par nos soins dans un langage plus contemporain » : Voici un petit lexique – non exhaustif mais tout de même utile – des mots inhabituels que l’on peut trouver dans les opérettes d’Offenbach.

Le champ lexical de la guerre

Fifre : désigne d’abord une petite flûte traversière en bois utilisée pour la musique militaire. Son son est très aigu. Par métonymie, désigne la personne qui en joue.

Vivandière : Au féminin, parce qu’à l’époque c’est un métier de femmes, les hommes étant à la guerre. Cela désigne une personne autorisée à suivre l’armée pour vendre aux troupes des vivres et des boissons.

Le champ lexical de l’amour

Particulier: dans Madame Favart lorsque le sergent Larose cherche son « particulier », il cherche une personne privée par opposition à la collectivité (l’Etat) qu’il représente. En revanche dans Orphée aux enfers, la « particulière » que le dieu Mars est allée voir est une amante. C’est un usage vieilli.

Tendron : de « tendre », désigne une très jeune fille, dont la jeunesse a séduit un homme d’âge mûr. En botanique, cela désigne aussi le nouveau bourgeon d’un arbre, pour vous donner une idée de l’âge d’un « tendron ».

Le champ lexical de la beuverie

Être gris : être légèrement ivre .

Se griser: s’enivrer, boire, et de l’alcool, pas de l’eau. Par extension, comme pour le verbe s’enivrer, cela signifie s’exciter, s’étourdir.

Les références à la mythologie grecque et romaine

Les lieux

 

Arcadie : région montagneuse de Grèce qui descend vers la mer Égée. En littérature et dans les légendes, c’est la patrie du dieu Pan, lieu idyllique peuplé de bergers paisibles, symbole de l’âge d’or.

Cythère : petite île de Grèce, comportant un temple à Vénus (Aphrodite) la déesse de l’amour. L’expression “s’embarquer pour Cythère” signifie avoir un rendez-vous galant.

Enfers: Au pluriel, désigne le royaume de Pluton (Hadès), un royaume souterrain, gardé par Charon et Cerbère et résidence des âmes après la mort. Il est composé de plusieurs régions telles que Les Champs Élysées, le Tartare etc, et séparé du monde des vivants par le fleuve Styx. Les défunts y sont envoyés après jugement en fonction de ce qu’ils méritent : le Tartare pour les damnés, les Champs Élysées pour les vertueux.

Olympe : ultra galère à gravir sans guide, l’Olympe est une vraie montagne située dans le Nord de la Grèce. Étant la plus haute de cette région, elle a été déclarée « demeure des Dieux » par Homère, et lieu de rassemblement autour de Jupiter (Zeus).

Les personnages

 

Actéon : Dans le mythe le plus connu, Actéon est un chasseur habile mais orgueilleux qui connaît une fin tragique : sur le mont Cithéron, il aperçoit la déesse Diane (Artémis) prenant son bain. Celle-ci, furieuse d’être surprise nue, le transforme en cerf et excite ses chiens contre lui jusqu’à ce qu’ils le dévorent. Dans la version d’Offenbach, la prude Diane n’est pas si prude, puisqu’elle est en vérité ravie des avances d’Actéon et c’est Jupiter (Zeus), pour préserver la réputation de sa fille, qui change le voyeur en cerf.

Admète : roi de Phères en Grèce actuelle. Il est connu surtout pour être le mari d’Alceste qui donna sa vie pour sauver celle de son mari. Il est aussi temporairement le maître d’Apollon, qui est condamné par Jupiter à jouer le rôle de berger sous les ordres d’Admète.

Alcmène : l’épouse d’Amphitryon, qu’elle trompe bien malgré elle. En effet, Jupiter l’abuse en se faisant passer pour Amphitryon. De cette union naît Hercule, mais Amphitryon, apprenant la tromperie, condamne sa femme au bûcher. Jupiter la sauve par un orage qui éteint les flammes.

Bacchante : le terme vient de Bacchus, le dieu du vin chez les Latins (Dionysos chez les Grecs). Les bacchantes sont les femmes qui lui vouent un culte, ses prêtresses. Elles sont reconnaissables par leur cri caractéristique « évoé ! ».

Bacchus : Dieu de l’ivresse et de la débauche, fils de Jupiter et de Sémélé. Il est gagnant à la fin.

Cerbère : Chien à trois têtes, il est le gardien des Enfers.

Cupidon : Fils de Mars et de Vénus dans la mythologie romaine. Il est le dieu de l’amour. Dans la pièce, il est fils de Jupiter.

Diane : Déesse de la chasse, fille de Jupiter, couramment appelée la « chaste Diane ».

Ephèbe : dans l’antiquité grecque, désigne un jeune garçon arrivé à la puberté. Un ado quoi.

Europe : un continent certes, mais également la mère de Minos et Rhadamanthe. Elle est surtout connue pour avoir été enlevée par Jupiter qui l’approche sous la forme d’un taureau blanc pour ne pas s’attirer les foudres de Junon (Héra).

Danaé : Fille du roi d’Argos, elle grandit enfermée dans une tour, non par une sorcière comme Raiponce, mais par son propre père qui a peur qu’elle tombe enceinte, car un oracle lui a prédit qu’il serait tué par son petit-fils. Cependant, Jupiter (encore lui !) s’introduit dans la tour sous la forme d’une pluie d’or. De son union avec Danaé naîtra Persée.

Grâces : Dans Orphée aux enfers, il s’agit de trois déesses qui accompagnent Vénus et qui personnifient le don de plaire. Par extension, les femmes ayant beaucoup de charme ou encore simplement les charmes de quelqu’un.

Junon : Femme et sœur de Jupiter, reine des dieux, elle est jalouse et son mari ne fait rien pour arranger son cas.

Jupin : diminutif de Jupiter (Zeus). Offenbach n’est pas le seul à utiliser ce diminutif mais dans Orphée aux enfers, il est chargé de beaucoup d’ironie. Le Littré donne comme étymologie Juppin signifiant polisson au XVIe siècle.

Jupiter : Roi des dieux, il règne sur les dieux et les mortels depuis les hauteurs du mont Olympe.

Léda : Pour continuer avec les conquêtes de Jupiter (toujours lui), Léda fut sensible aux charmes du dieu métamorphosé en cygne. À la suite de cette aventure, elle donna naissance à quatre enfants, sortis de deux œufs, dont la fameuse Hélène, autre héroïne chère à Offenbach, ainsi que Clytemnestre, Castor et Pollux. Il existe une autre version du mythe dont s’inspire Offenbach: refusant les avances du Dieu, celui-ci est obligé de recourir à une ruse : après s’être changé en cygne, il demande à Vénus de prendre la forme d’un aigle et de le poursuivre. Ainsi chassé, il peut se réfugier dans les bras de Léda et en profiter pour s’unir à elle.

Mars : Dieu de la guerre, Fils de Jupiter et Junon, père de Romulus et Remus.Mercure : Dieu du commerce, des voyageurs et des voleurs, il est le messager des dieux. Symbole de son zèle, il porte des sandales ailées.

Mercure : Dieu du commerce, des voyageurs et des voleurs, il est le messager des dieux. Symbole de son zèle, il porte des sandales ailées.

Minos, Eaque et Rhadamanthe : Anciens seigneurs réputés pour leur vertu. Minos est roi de Crète, c’est lui qui emmura le minotaure. Rhadamanthe est son frère. Eaque est le premier roi des Myrmidons et le grand-père du bouillant Achille. Tous trois sont, une fois morts, devenus juges des Enfers.

Muses : Neuf déesses, filles de Zeus, protectrices des arts. À chacune d’elle est associé un art : Clio (l’histoire), Euterpe (la musique), Thalie (la comédie), Melpomène (le chant et la tragédie), Terpsichore (la danse), Erato (la poésie lyrique et érotique), Polymnie (l’éloquence), Uranie (l’astronomie) et Calliope (la poésie épique). Dans un usage plus courant, la muse est une expression imagée pour désigner l’inspiration de l’artiste.

Nymphe : Divinités secondaires incarnant un élément de la nature : les forêts (dryades), les eaux (naïades), les mers (néréides) etc. Elles sont représentées sous la forme de jeunes filles gracieuses.

Pluton : Dieu des Enfers, frère de Jupiter, il est moins bien logé que ce dernier.

Styx : Ce n’est pas une personne, mais l’un des fleuves des Enfers. Il sépare le monde terrestre et le monde souterrain. Pour entrer aux Enfers, il faut le traverser sur la barque de Charon. Sa source se trouve dans le massif de Chelmós en Grèce.

Terpsichore : cf. une muse.

Thémis : déesse de la justice, de la loi et de l’équité, elle est la tante de Jupiter (Zeus). Elle appartient à la race des Titans, enfants d’Ouranos (le ciel) et de Gaïa (la terre).

Vénus : Déesse de l’amour et de la beauté, fille de Gaïa et Ouranos, mère de Cupidon.

Les références à la société du XIXe siècle (termes vieillis, quoi)

Cotillon : Soit une jupe soit, le plus souvent, une danse collective dansée à la fin des bals surtout au XIXe siècle.

Douairière : femme veuve possédant une douaire, c’est-à-dire un droit d’usufruit sur les biens de feu son mari (puisqu’à cette époque une femme ne possède rien en propre). Dans l’imaginaire collectif, une douairière est une vieille femme aristocrate et riche, comme dans Downton Abbey.

Hyménée : un mariage, mais dans la langue du XVIe essentiellement (et des poètes !)

Mantille : pièce d’habillement proche de l’écharpe pour couvrir la tête et les épaules.

Marmiton : nom qu’on donne à l’apprenti cuisinier ou aide cuisinier.

Pelisse : vêtement masculin ou féminin, long ou court, en fourrure (dedans, dessus, comme on veut).

Soubrette : nom que l’on donne aux servantes ou aux suivantes au théâtre.

 

Jurons

Sacrebleu : utilisé pour la première fois par Rabelais en 1552, la forme initiale était « Sacre Dieu ». Comme beaucoup d’insultes, le mot évolue avec l’emploi, et dès le siècle suivant, on trouve la forme « sacrebleu ». Notez que beaucoup de jurons sont créés sur le mot « dieu » qui devient « bleu » pour faciliter la prononciation en se débarrassant du son dental. Cela permet également d’atténuer la gravité du juron puisque jurer le nom de Dieu était perçu comme du blasphème. « Sacrebleu » est utilisé pour marquer l’impatience ou l’étonnement ou encore pour appuyer son propos.

Saperlotte : forme atténuée de « sapristi », probablement de la même étymologie que sacrebleu.

Corbleu : étymologie plus difficile à retracer, (cœur Dieu ou corps Dieu ?) ce juron marque une nuance d’indignation et beaucoup de colère.

Ventrebleu : marqueur de surprise, d’étonnement ou d’indignation, synonyme des interjections qui suivent.

Maugrebleu : forme euphémisée de « malgré Dieu », signifiant l’exaspération et la colère.

Morbleu / mordieu / mordienne : forme euphémisée de « Mort de Dieu ». La forme varie selon les régions (mordious est le plus connu et appartient aux Gascons).

Parbleu : « pardi ! bien sûr ! »signification souvent ironique. Forme euphémisée de « par Dieu ».

Palsambleu / palsanguienne : au théâtre, typique du registre paysan. Forme euphémisée de l’expression « par le sang de Dieu ».

Références aux arts

Deus ex machina : Du latin, qui signifie « Dieu sorti de la machine » et désigne au théâtre les procédés scéniques qui permettent de faire intervenir un dieu dans la pièce (trappe, grue etc.). On utilise cette expression pour parler des scènes où l’intervention d’un dieu permet de résoudre un conflit ou de conclure la pièce, et par extension pour tout élément inattendu ou extraordinaire (voire tiré par les cheveux) qui permet de conclure brusquement l’intrigue.

L’Opinion Publique : Dans Orphée aux enfers, ce personnage incarne l’ensemble des valeurs et croyances partagées par une société, à savoir ici celle du public. Sa présentation au début de la pièce évoque le chœur dans le théâtre antique. Elle déclare en effet, « j’ai perfectionné le chœur » en référence à celui-ci, dont le rôle était d’expliciter les événements de la pièce pour faciliter la compréhension du public. Ce rôle est à la fois amplifié et moqué dans l’opérette, car l’Opinion publique devient un personnage à part entière capable d’agir sur scène. Mais à cause de cette capacité, l’Opinion Publique perd son statut omniscient et est potentiellement soumise aux péripéties du drame.

Patelin: Qui est d’une douceur hypocrite. L’adjectif vient de La farce de Maître Pathelin, pièce anonyme datant du XVe siècle. Elle met en scène un personnage trompeur entreprenant une suite de ruses et de fraudes où le trompeur finit par être trompé à son tour. Dans Orphée aux Enfers, l’utilisation de cet adjectif apparaît dans le « rondeau des métamorphoses », où une partie des tromperies de Jupiter est dévoilée. L’adjectif est employé en parallèle du mot « farce », ce qui évoque la pièce. Ainsi, Jupiter, le trompeur, va sans doute finir berné.

Pizzicato : de l’italien, « pincé », technique pour jouer d’un instrument à cordes, en pinçant la corde avec les doigts plutôt qu’en la frottant avec l’archet.

Vielleuse : joueuse de vielle, instrument à cordes, ancêtre de la viole.

 

Références à la religion

Anathème : sentence de malédiction à l’encontre d’une personne jugée hérétique. Par extension, une condamnation, un blâme. « ‘Ne pas se faire montrer au doigt’, voilà encore une loi terrible. Être montré au doigt, c’est le diminutif de l’anathème ». Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer.

Ursulines : sœurs d’un ordre religieux catholique fondé en 1535 en Italie, se réclamant du patronage de Sainte Ursule et se consacrant à l’éducation des filles. Établies en France en 1608.

 

Autre

Bouillet : Marie-Nicolas de son prénom, auteur du dictionnaire universel d’histoire et de géographie, paru en 1842, et immensément populaire à sa sortie.

Cloaque : une sorte d’égout,  un endroit malsain aux eaux stagnantes où croupissent des ordures.

Chevalet : Sur un violon, un alto, un violoncelle ou encore une contrebasse, le chevalet est la pièce en bois sur laquelle sont tendues les cordes au milieu de l’instrument. Jouer avec l’archet près du chevalet — sul ponticello en italien — permet d’obtenir un son grinçant.

Commissionnaire : un intermédiaire entre deux commerçants (moyennant argent, la commission).

Étoupe : résidu de fibres, en particulier du chanvre, inflammable.

Evoé : Cri d’acclamation à Bacchus. Vient du grec et à la même racine que « ovation ».

Flagorner : flatter bassement, peu subtilement.

Greffier : dans le contexte juridique français, un greffier est un officier de justice chargé de dresser le procès-verbal de l’audience et d’authentifier les actes de justice (entre autres missions).

Limier : personne ayant beaucoup de flair, chien (pour le gibier) ou policier (pour les suspects).

Nectar et ambroisie : Boisson et nourriture des dieux. Les mortels ne sont pas dignes d’y goûter.

Rixe : querelle violente avec coups et injures.

Pampre : rameau de vigne.

Rapt : enlèvement, tout simplement, que cela soit par séduction ou par violence.

Sémillant : vif, enjoué, fringant, pétillant.

Trémolo : Aux cordes, le trémolo est une sorte de tremblement obtenu par des va-et-vient rapides de l’archet sur la corde.

 

https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1843_num_4_1_451735

https://www.cnrtl.fr/definition/

https://www.littre.org/definition/jupin

Pierre Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Normandie, PUF, 2014

L’Opinion Publique : un personnage symbolique ?

Personnage clé de la pièce Orphée aux Enfers, l’Opinion Publique est le premier rôle soliste à prendre la parole. Elle aiguille Orphée dans son périple, que cela soit vers l’Olympe ou vers les Enfers. Elle sert de « guide fidèle » à la manière de Béatrice dans la Divine Comédie (1555) de Dante, bien que cette référence soit traitée dans la pièce de manière ironique.

Genèse d’un rôle…

Rôle d’abord écrit pour un homme puis attribué à une mezzo-soprano, Marguerite Macé, ce changement démontre l’importance métaphorique de ce personnage, dont l’incarnation compte moins que sa dimension « symbolique » que l’on retrouve dans son nom « L’Opinion Publique ».

Marguerite Macé-Montrouge, dans Paris-Théâtre en 1877

…inspiré de l’époque antique.

Lors de son monologue de présentation, elle évoque le théâtre antique. Tout d’abord, son entrée sur scène se fait à la manière du Prologue qui, dans l’Antiquité, présentait l’intrigue pour faciliter la compréhension du public. Elle le fait ici sous forme de menace contre les infidèles. Elle rappelle également le chœur antique dont elle reprend la fonction : le χορός (chorós) commentait l’action de la pièce. Mais ce rôle est adapté par Offenbach puisqu’il fait de l’Opinion Publique un personnage capable d’intervenir dans l’intrigue, ce que le chœur antique ne faisait pas.

Un personnage passe-muraille

Un vrai personnage

Néanmoins, toutes ces références sont détournées. En effet, si l’Opinion Publique guide Orphée, elle ne le fait pas de manière bienveillante comme la Béatrice de Dante. Sa capacité d’action la rend à la fois plus puissante et plus vulnérable, puisqu’en participant à l’intrigue, elle perd son statut omniscient et devient soumise aux péripéties du drame.

qui dénonce l’illusion théâtrale

Enfin, elle vient donner un coup de pied dans le quatrième mur, briser l’illusion théâtrale, en incarnant les ficelles dramatiques dont se sert le dramaturge pour faire avancer l’action. On lui reconnaît cette fonction dans l’usage du terme technique « deus ex machina ».

 

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L’histoire de la création d’Orphée aux Enfers

En 1858, Offenbach a besoin d’un succès. Directeur depuis trois ans du théâtre des Bouffes-Parisiens, il donne des opérettes en un acte dans une salle de 300 places. Ainsi, même s’il fait régulièrement salle comble, il est au bord de la faillite. Le gouvernement impose par décret une restriction sur les spectacles qui limite les représentations d’Offenbach à un acte et quatre acteurs sur scène. A force de négociation, il parvient à assouplir ces conditions en 1856, permettant à Orphée aux Enfers de voir le jour.

Un succès romanesque

Genèse de l’œuvre

Pour cette œuvre, Offenbach met le paquet. Les décors et costumes doivent être somptueux ; il les demande à Gustave Doré. Accompagné de deux librettistes de talent, Ludovic Halévy (qui créera par la suite le livret de Carmen) et Hector Crémieux, il compose un opéra-bouffe en deux actes et quatre tableaux. Les répétitions vont pouvoir commencer. Offenbach choisit pour sa distribution des acteurs aux mimiques et jeux affirmés. Jusqu’au dernier moment, le livret ne cesse d’évoluer, enrichi des propositions des acteurs qui redoublent d’ajouts comiques.

Nous sommes le 20 octobre 1858. Le lendemain soir se tiendra la première d’Orphée aux Enfers, pièce dans laquelle Offenbach place beaucoup d’espoir. Il corrige encore fébrilement ses partitions. Il n’est pas satisfait du jeu du baryton interprétant l’Opinion Publique, qu’il remplace donc, la veille de la générale, par Marguerite Macé, une mezzo-soprano, habituée des rôles travestis dans d’autres pièces des Bouffes-Parisiens.

Le soir de la première

Le 21 octobre 1858, la salle est pleine. Pour le public, c’est un succès quasi immédiat. D’abord désorienté par ce nouveau format, il finit par applaudir ce changement. La pièce est jouée et rejouée, la salle rit toujours autant. Dix jours plus tard, le Monde affirme que le public connaît les calembours par cœur et continue d’en rire. Les « Évoé » d’Eurydice sont acclamés, l’humour pince-sans-rire de Pluton est applaudi. Mais la critique est plus mitigée. Dans le Journal des Débats, le critique Jules Janin est particulièrement virulent. Il accuse Orphée aux Enfers de profanation et d’irrévérence, non seulement envers la mythologie, mais également envers Napoléon III et son gouvernement. Offenbach et Crémieux répondent aux critiques, entretenant ainsi le débat et incitant de plus en plus de monde à payer sa place pour se faire son opinion sur cette pièce controversée. Les acteurs profitent également de cette querelle : sur scène, Pluton reprend un texte de Jules Janin lui-même dans sa description moqueuse de l’Olympe où « rrrroucoul[ent] les colombes ». Il ne s’en cache pas, au contraire, il le souligne : « J’ai justement une vieille tirade que j’ai lue quelque part ». En fin de compte, les recettes sont colossales.

Une du Journal des Débats, Wiki-source.

Et en 1860, la pièce est reprise au Théâtre des Italiens où, pour voir la pièce qui fait tant de bruit, l’empereur se rend lui-même.

Un opéra-féérie fait pour plaire

Tout voir en grand…

Bien qu’en 1873, quinze ans plus tard, les années fastes d’Offenbach soient derrière lui, celui-ci n’a plus de problème d’argent. Il devient directeur du théâtre de la Gaîté. Disposant enfin d’une salle plus grande, il met sur pied une nouvelle version d’Orphée aux Enfers, plus longue, plus belle, plus riche. En 1874, la pièce est recréée et devient un opéra-féérie, où une place importante est accordée aux décors grâce au concours de nombreux peintres et machinistes. L’intrigue initiale est enrichie de deux actes, huit tableaux supplémentaires et trois ballets. Tout s’y veut grandiose : le chœur est monté à une centaine de personnes, le nombre de rôles triple, l’orchestre double de volume…

Architectonographie des théâtres de Paris 1837, Les Archives du Spectacle

…dans le but de plaire au public

Le soir de la première de cette nouvelle version, le 4 février 1874, c’est un triomphe immédiat. Les spectateurs en prennent plein les yeux. Les créateurs jouent sur la variété des tableaux : de la pastorale aux finales pleins de rebondissements, le spectateur est bringuebalé entre la terre, l’Olympe et les Enfers. L’accent est mis sur les décors : le char doré de Phœbus traverse la scène lors du finale du deuxième acte, les ambiances variées s’enchaînent au sein même d’un acte, comme le passage de l’Olympe à la forêt avec l’arrivée de Diane. Les costumes sont également magnifiques. Au deuxième acte, le défilé des dieux laisse un souvenir marquant à tous les spectateurs. Pour bien mettre en évidence le travail des costumiers, chaque entrée est soignée : que ce soit Pluton, Mercure ou encore Diane annoncée par les cors de chasse, les introductions de personnages ne laissent pas indifférent. Certains ne sont même dans la pièce que pour le plus pur divertissement : c’est le cas de Mercure et des déesses du rondeau des métamorphoses, dont la présence n’apporte rien à l’intrigue mais ajoute au comique de la situation. Enfin, les scènes de foules sont jubilatoires, et les interventions d’enfants en petits élèves d’Orphée émeuvent le public, qui passe sans arrêt du rire aux larmes.

Bref, Orphée aux Enfers est un divertissement éclatant. « On joue, chante et danse avec une crânerie que rien n’émousse et que rien ne lasse » écrit Jouvin pour Le Figaro n°386.

 

Le rire au cœur de l’intrigue

Mais Orphée aux Enfers n’est pas qu’un extraordinaire enchantement visuel : si cette pièce a du succès, ce n’est pas uniquement pour ses décors et ses costumes rutilants. On y vient avant tout pour rire.

Parodie des grands opéras

Dans Orphée aux Enfers, Offenbach parodie les opéras plus grands et plus sérieux. Le sujet lui-même n’est pas neuf à l’opéra, puisque le mythe d’Orphée y est exploité dès la naissance du genre au début du XVIIe siècle (notamment l’Orfeo de Monteverdi en 1607) et jusqu’à nos jours.

La caricature des opéras passe notamment par une reprise de certains airs bien connus du public de l’époque. Offenbach cite ainsi l’Orphée et Eurydice de Gluck. Le détournement de l’air « J’ai perdu mon Eurydice / Rien n’égale mon malheur» reprenant les paroles et la ligne mélodique alors même qu’Orphée ne pleure pas réellement sa femme, moque le sérieux et le tragique de l’opéra.

Plus généralement, Offenbach joue avec les codes du genre. Il place dans son œuvre les « Couplets des regrets » mimant les airs de déploration de l’opéra, mais de manière ironique. Pluton prend également l’initiative « d’élever le débat » en ne parlant plus qu’en vers lors du mélodrame final, faisant de tout ce morceau un clin d’œil moqueur aux opéras. Offenbach présente aussi une pastorale, élément récurrent des opéras du XVIIIe siècle, mais y aligne à dessein les clichés les plus mièvres ; la classe sociale dirigeante, habituellement glorifiée, est tournée en dérision par le ridicule du Conseil municipal.

Ainsi, Orphée aux Enfers se moque de la grande musique ; mais ce n’est pas pour autant que la pièce tombe dans la facilité, car pour caricaturer un genre, il faut d’abord le maîtriser.

Traitement burlesque de la mythologie

Le sujet permet également à Offenbach de tourner en dérision le courant humaniste qui glorifie les références antiques. Les dieux sont ici traités de manière burlesque : le couple divin Jupiter-Junon évoque le ménage de comédie où le mari est un coureur et la femme est jalouse. Toute la mythologie subit ainsi un prosaïsme forcé : le nectar et l’ambroisie mythiques deviennent le « déjeuner » des dieux, la grandeur des métamorphoses est ici rabaissée à une mouche tournant autour du cadavre d’Eurydice, et le « Duo de la mouche » apporte une grivoiserie suggestive aux amours du roi des dieux.

Désiré dans le rôle de Jupiter, en costume de mouche (1858)

Des références plus précises aux livres de chevet des humanistes sont aussi parodiées : la « Chanson d’Aristée », où le personnage se présente comme « un fabricant de miel», rappelle les Géorgiques où Virgile raconte qu’Aristée fait naître des abeilles du cadavre des taureaux. Le personnage de Pluton, parce qu’il cite en italien la Divine Comédie de Dante, en disant « Lasciate ogne speranza » ([vous qui entrez aux Enfers], abandonnez toute espérance), fait référence de manière moqueuse aux humanistes.

Enfin, les héros mythologiques sont victimes de quiproquos dignes du vaudeville : Junon s’indigne d’être trompée lorsque, pour une fois, son mari n’y est pour rien. Eurydice est cachée dans une pièce voisine qui évoque le placard des amants de comédie. La tromperie est au centre du drame comme elle peut l’être dans les pièces de boulevard.

Persiflage politique

Mais la polémique lancée par Jules Janin en 1858 peut interroger : Orphée aux Enfers fait rire, mais est-ce une plaisanterie sérieuse, digne du castigat ridendo mores [il punit les mœurs par le rire] défendu par  Molière ? En effet, la société se reflète dans cette Olympe de bas étage : les amours de Jupin font écho à celles de Napoléon III. On peut y voir, comme les critiques de l’époque, un tableau satirique du Second Empire. Les quelques mesures de la Marseillaise et la scène de révolte des dieux ont même une sonorité dangereusement républicaine. Se moquer de l’Antiquité reviendrait alors à critiquer les gens de pouvoir. Cependant, la révolte s’apaise lorsqu’on propose aux dieux un divertissement : la révolution n’est pas bien sérieuse et le rire reprend le dessus.

 

 

Orphée aux Enfers est fait pour plaire : son livret en constante évolution dès son origine, épouse année après année les envies du public. Sa refonte en opéra-féérie illustre l’importance que le divertissement revêt pour Offenbach. Quiproquos, parodie burlesque mais aussi danse et musique : cette pièce offre un plaisir complet où la provocation n’existe que pour faire rire.

 

Sources :

  • Orphée aux Enfers, opéra en quatre actes et douze tableaux, Bibliothèque musée de l’Opéra, France, 1988
  • Orphée aux Enfers – Offenbach, L’Avant-Scène Opéra, Editions Premières Loges, juillet-août 1998.
  • Dominique Ghesquière, La Troupe de Jacques Offenbach, Symétrie,  Lyon, 2018.
  • Gallica, BNF, Le Journal des débats, 21 au 25 octobre 1858. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4517806
  • Livret Orphée aux Enfers, Jacques Offenbach et Hector Crémieux, 1858 : https://fr.wikisource.org/wiki/Orph%C3%A9e_aux_Enfers

 

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Offenbach, c’est quoi ce look ?

 

Est-ce que vous voyez à quoi ressemble Offenbach ? On a mis une photo avec cet article, faites un effort. D’accord, ce n’est pas le vrai Offenbach, mais vous avez saisi l’idée.

Je disais donc, Offenbach. Avec ses petites besicles et ses grands favoris. Peut-être vous êtes-vous déjà demandé pourquoi ce style si reconnaissable ? C’est bien simple : Offenbach était à la pointe de la mode. Enfin, à la pointe de la mode des années 1870, pour un homme d’un certain âge et d’une certaine classe sociale. Car les vêtements et le style n’ont pas attendu notre époque pour séparer les classes, les genres et les âges.

Contexte historique

Le XIXe siècle est marqué par la révolution industrielle. Dans le domaine de la mode et du textile, comme partout ailleurs, on gagne en productivité. La mécanisation de la production de vêtements donne à cette industrie de luxe une dimension plus commerciale et lui ouvre de nouveaux publics.

Avec la baisse des prix due à leurs productions massives, des tissus qui jusqu’ici étaient réservés aux personnes aisées deviennent accessibles. Dentelles, broderies, imprimés… ne sont plus l’apanage de l’élite mais sont à la portée de tous. Cette démocratisation de la mode ouvre de nouveaux débouchés commerciaux pour l’industrie du textile. 

Pour se démarquer de ces nouveaux habits produits en masse, la production de luxe s’appuie sur l’influence de la presse de mode, qui prend son essor, et se distingue par la création de la haute couture, qui vient rendre aux vêtements les lettres de noblesse que la généralisation de la mode leur a fait perdre, en proposant des articles innovants ou rares, et donc plus coûteux.

La mode du XIXe siècle chez la bourgeoisie offenbachienne

Suivant les courants des arts décoratifs, la mode du XIXe réinterprète les styles du passé et s’inspire d’époques révolues, comme l’Antiquité ou la Renaissance, hésitant entre progrès et traditions.

Le costume masculin perd rapidement l’éclat qui caractérisait jusqu’alors l’habillement des hommes du monde. L’oisiveté des nobles n’est plus le modèle à suivre, l’austérité devient synonyme d’élégance. Chez les femmes en revanche, la mode cherche de plus en plus l’opulence, indice de rang et de richesse.

Pour les femmes

Sous les jupons, les crinolines succèdent aux paniers, comme la réussite sociale est marquée par l’ampleur de la jupe. Viendront ensuite les tournures, quand l’esthétique demandera d’accentuer par tous les moyens nécessaires les fesses de ces dames pour souligner le contraste avec la taille, qui se doit d’être aussi fine que possible. Le corset est donc lui aussi un incontournable. Le tout est additionné d’une dose conséquente de fanfreluches et d’accessoires : gants, ombrelles, l’indispensable chapeau…

Les dames doivent changer de tenue plusieurs fois par jour. Une tenue pour la maison, une pour recevoir, une pour sortir, une tenue de soirée… Par économie, la robe à transformations est inventée. Elle permet de passer rapidement d’un type de tenue à l’autre en ne changeant qu’une partie de la robe, souvent le corsage.

Pour les hommes

De leur côté, les costumes de ces messieurs tendent de plus en plus vers les couleurs sombres, par contraste avec ceux des femmes qui sont très colorés. Ils portent un pantalon avec un veston, une jaquette et une redingote, tenue qui évoluera ensuite vers le complet trois pièces. Le chapeau est obligatoire, haut-de-forme si vous êtes un homme du monde. Pour montrer son statut social, une canne à pommeau peut compléter la tenue, et l’on ne lésine pas sur la qualité des boutons de manchettes ou de l’épingle à cravate.

La façon dont la barbe est taillée est aussi un indicateur fiable de l’âge et de la classe sociale de l’homme qui la porte. Pour Offenbach, les moustaches et les favoris correspondent parfaitement à l’image qu’il veut donner au monde. Quant au pince-nez, Offenbach avait tout simplement besoin de ses lunettes ! Les lunettes à branches existaient déjà, mais elles étaient moins populaires et correspondaient moins à l’âge et à la distinction du compositeur.

Qu’en reste-t-il ?

  Aujourd’hui, que nous reste-t-il de la mode de l’époque d’Offenbach ? Heureusement pour tout le monde, la mode féminine s’est beaucoup allégée. Je ne sais pas pour vous, mais j’aurais détesté devoir aller travailler en crinoline. En revanche, le costume masculin de la fin du XIXe siècle existe toujours, sous une forme moderne de plus en plus simplifiée.

Pour retrouver l’ambiance et les vêtements (remixés) de l’époque, il est toujours possible de se pencher sur le steampunk. D’abord genre littéraire trouvant ses inspirations dans certains récits de Jules Verne, comme Vingt mille Lieues sous les mers ou encore De la Terre à la Lune, le steampunk prend de l’ampleur à la fin du XXe siècle et devient une culture à part entière. 

Le steampunk extrapole un futur basé sur les avancées technologiques du XIXe siècle, tout en gardant les codes et l’esthétisme de l’époque victorienne. Présent dans la littérature, le cinéma, le dessin, la musique… le steampunk a ses adeptes, les vaporistes. Férus de Do It Yourself, les vaporistes inventent leurs propres personnages, créent leurs propres costumes, accessoires et décorations, inspirés des vêtements et objets de l’époque.

Si vous êtes curieux et que vous voulez voir de vos yeux à quoi ressemble cette esthétique, il vous faudra parcourir les salons et les rassemblements dédiés au genre, ou simplement à l’imaginaire…

 

SOURCES :

 

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Argument d’Orphée aux Enfers

Acte I

A Thèbes, rien ne va plus entre Orphée – poète et musicien de son état – et son épouse Eurydice. La belle nymphe gambade à travers les champs, cueillant des fleurs pour les offrir à Aristée, le berger joli dont elle est éprise. Mais l’époux survient et la dispute éclate. La séparation semble inévitable mais Orphée, inquiet de sa réputation, ne peut accepter cette solution : le couple doit demeurer uni. Néanmoins jaloux, Orphée annonce sa double vengeance. Il a semé des pièges dans les prés afin de punir l’amant. Pire encore, il oblige sa pauvre épouse à écouter un interminable concerto pour violon de sa composition ! Eurydice fuit avertir Aristée des manigances du mari cocu. Le berger, curieusement, ne semble pas craindre la mort. Dans un geste héroïque, Eurydice décide de sacrifier sa vie pour périr avec celui qu’elle aime. C’est alors qu’Aristée révèle sa véritable identité : il s’agit en réalité de Pluton. Le dieu des Enfers conduit la défunte Eurydice vers les sombres bords du Cocyte, tandis que l’époux vient constater son veuvage. Enfin libre ! Orphée n’a pourtant guère le temps de se réjouir. L’Opinion Publique, omnisciente et impitoyable, vient rappeler ses devoirs au poète. L’honneur passe avant l’amour et Orphée doit aller récupérer sa femme aux Enfers. De mauvaise grâce, il entame son périple.

Acte II

Sur le mont Olympe, la demeure des dieux, rien ne va plus. Les dieux s’ennuient ferme. Certains trompent leur désœuvrement par des escapades nocturnes ou en allant s’encanailler avec de vulgaires mortels. Jupiter a bien du mal à exercer son autorité et à maintenir un semblant de dignité chez les divinités. Pour ne rien arranger, des rumeurs circulent quant à l’enlèvement récent d’une jeune nymphe. Les soupçons se portent naturellement sur le plus infidèle des Dieux : Jupiter, dont le bodycount remplit des registres entiers qui vont bien au-delà de « mille e tre ». Mercure arrive à temps pour rétablir la vérité : le coupable ravisseur, c’est Pluton ! Le maître des Enfers est convoqué et contraint de s’expliquer. Le dieu nie, le ton monte. Et toute l’Olympe se met à retentir d’une clameur furieuse. C’est la révolte, le règne de Jupiter a assez duré ! Au milieu de tout ce vacarme, Orphée et l’Opinion Publique viennent demander audience. Le poète se lamente du mieux qu’il peut. On a ravi son Eurydice ; il faut que l’épouse soit restituée à l’époux. Pluton est contraint d’avouer. Et Jupiter va se charger lui-même d’aller récupérer l’objet du rapt. Pour l’occasion, tout l’Olympe l’accompagnera. Ravis d’avoir enfin un peu d’animation, les dieux cessent la révolte et chantent désormais les louanges de Jupin tout en se préparant à la descente aux Enfers.

Acte III

Aux Enfers, rien ne va plus. Eurydice, qui croyait que la mort allait enfin égayer son existence, se trouve bien marrie de voir que les profondeurs infernales ne sont guère plus amusantes que son mari. Il faut dire qu’elle n’a pour seule compagnie qu’un geôlier aussi bête que libidineux : John Styx, ex-roi de Béotie. Jupiter et Pluton arrivent aux Enfers et on a tout juste le temps de cacher Eurydice au fond d’un placard. À défaut de flagrant délit, on entame tout de même le jugement de Pluton. Le tribunal corrompu n’aboutit pas à la sentence espérée par Jupiter. Le maître de la foudre ne sait plus quoi faire. Heureusement, Cupidon est là pour sauver la situation. Il lance une horde d’amours-policiers à la recherche de la disparue et transforme l’apparence de Jupiter, pour lui permettre de surmonter les obstacles le séparant d’Eurydice. C’est donc sous les traits d’une mouche chatoyante que Jupiter parvient enfin à se glisser par le trou de la serrure et à rejoindre la belle. Eurydice est sous le charme du bel insecte aux ailes dorées. Le charme grandit encore davantage lorsque Jupiter, redevenant lui-même, expose toute l’étendue de sa majestueuse divinité. Les deux tourtereaux s’échappent, poursuivis par Pluton et Styx.

Acte IV

Décidément rien ne va plus nulle part ! Alors que le vin coule à flots aux Enfers, et qu’on célèbre Pluton le propriétaire des lieux, qui fait goûter aux dieux cette liqueur plus festive que l’ambroisie, Eurydice, déguisée en bacchante, se mêle à la foule ivre-morte qui danse à n’en plus finir des menuets et des galops en roulant sous les tables. Mais Eurydice est vite démasquée. Jupiter et Pluton se disputent les faveurs de la jeune défunte. On entend soudain le son doux et plaintif du violon. C’est Orphée, l’époux légitime, qui vient récupérer son « aimée ». Tous doivent céder et Eurydice est rendue à Orphée. À la condition, toutefois, qu’il ne se retourne pas vers elle lorsqu’ils graviront les marches menant à la terre ferme. Le plan fonctionne trop bien et Jupiter déclenche sa foudre divine pour provoquer le sursaut et le retournement d’Orphée. Eurydice n’appartiendra donc plus à Orphée. Pas plus qu’à Pluton d’ailleurs, car Jupiter achève la transformation de la nymphe en bacchante. Sous l’œil consterné de l’Opinion Publique, tout s’achève par un dernier cancan infernal.

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Référence Offenbach

 

Quand on vous dit “Offenbach”, en fonction de votre âge, de votre culture et de tout un tas d’autres critères plus ou moins pertinents, vous ne pensez pas forcément à la même chose. Pareil pour certains titres ou certaines musiques. Moi par exemple, quand on me dit “Nothing Else Matters”, je pense à Apocalyptica, pas à Metallica. Alors qu’en est-il d’Offenbach et de l’héritage qu’il a laissé derrière lui ? Revenons un peu sur ce qui se cache dans ses œuvres et sur ce que la postérité a retenu.

 

Les références dans Offenbach

Offenbach ne m’en voudrait pas d’utiliser le mot “référence” quand toutes ses œuvres en sont pleines. Ainsi, il aimait bien faire des clins d’œil aux écrits de Jules Verne, l’exemple le plus parlant étant sans doute Le Docteur Ox, une libre adaptation de la nouvelle éponyme de Jules Verne.

D’autres références à des auteurs ou à des romans se cachent dans ses opérettes. De cette façon, le nom de Gérolstein vient des Mystères de Paris, un roman d’Eugène Sue ; le personnage de la Périchole est empruntée à une pièce de théâtre de Prosper Mérimée, Le Carrosse du Saint-Sacrement ; ou encore plusieurs personnages de Madame l’archiduc correspondent presque exactement à ceux de La Chartreuse de Parme de Stendhal.

On trouve aussi chez Offenbach de très nombreuses reprises et parodies de célèbres airs d’opéras ou de fameux compositeurs. En hommage à Mozart, il cite, trois tons plus haut, l’entrée des masques de Don Giovanni pour accompagner l’entrée masquée de plusieurs personnages de La Vie Parisienne. Et quand il ne s’attaque pas aux grands airs, il s’en prend aux ritournelles populaires ! On peut entendre “il pleut, il pleut, bergère” en mineur dans Barbe-Bleue ou encore “elle aime à rire, elle aime à boire” dans Madame Favart.

On peut donc affirmer avec peu de risque de se tromper qu’Offenbach aimait les références, il en mettait partout. Il lui arrivait même d’en faire à ses propres œuvres ! Par exemple, il réutilise plusieurs fois des fragments de son ballet Le Papillon dans ses autres œuvres : Les Fées du Rhin, Le Roi Carotte, Orphée aux Enfers ou encore Les Contes d’Hoffmann. Aussi ne se retournera-t-il pas dans sa tombe si je parle maintenant des références, à ses compositions ou à son personnage, qui existent encore aujourd’hui.

 

Les références à Offenbach

Pour beaucoup, Offenbach est un nom lointain, voire inconnu. Pourtant, on peut le retrouver, lui et ses musiques, aux endroits les plus insolites et dans les noms les plus connus. Saviez-vous, par exemple, que lorsque vous commandez une poire Belle-Hélène au restaurant, c’est Auguste Escoffier qu’il faudrait remercier, et qu’il aurait nommé ce dessert d’après l’œuvre d’Offenbach ? Bon, évidemment, la question qui se pose c’est : pourquoi une poire et pas une pomme ?

La Belle Hélène est un best-seller. Elle a eu droit, comme Les Contes d’Hoffmann, à son adaptation en ballets, par Manuel Rosenthal et Louis Aubert en 1957 ; Emile Zola fait chanter (faux) des extraits de cette pièce à son personnage Nana dans le roman éponyme ; et même notre troupe s’est laissée conquérir, puisque le nom Oya Kephale vient des paroles de l’opéra-bouffe et veut dire “quelle tête !”. D’autres œuvres ont eu (presque) autant de succès, avec des adaptations de toutes sortes, comme La Périchole qui est adaptée en comédie musicale par Jérôme Savary en 1999.

Offenbach, c’est aussi un astéroïde, un groupe de rock et blues québécois, et Ofenbach est un groupe d’électro français. Vous ne pourrez plus dire que vous ne le saviez pas. Quant à la tristement célèbre salle de concert du Bataclan, elle a été nommée en hommage à la pièce Ba-ta-clan d’Offenbach.

Ok, on a fait le nom, on fait les œuvres, mais… et ses musiques, à Offenbach ? Il en reste quelque chose ? Un peu, mon n’veu ! On lui doit une des musiques françaises les plus connues au monde, j’ai nommée… le French Cancan ! Et oui, vous avez bien lu. À l’origine, l’air du French Cancan est celui du Galop Infernal d’Orphée aux Enfers. Improbable ? Pas tant que ça. J’ai mieux. Figurez-vous que les Marines américains chantent aussi du Offenbach. Si, si, je vous assure. Les Couplets des deux hommes d’armes de Geneviève de Brabant sont devenus The Halls of Montezuma, l’hymne officiel de l’US Marine Corps.

Ce ne sont pas les seuls morceaux d’Offenbach qui ont été réutilisés à toutes les sauces. La Valse des Rayons du ballet Le Papillon est devenue La Chaloupée, dansée au Moulin Rouge. Et je ne compte même plus le nombre de reprises de la barcarolle des Contes d’Hoffmann.

 

Le sachiez-vous ?

Des références, on a dit qu’il y en avait partout. Alors si cela vous amuse, vous pouvez essayer de toutes les débusquer ! Pour commencer cette quête de toute une vie, quelques questions profondes : 

  • Si je vous dis Tintin et Offenbach, est-ce que vous voyez le rapport ? Si ce n’est pas le cas, demandez donc au Capitaine Haddock ce qu’il pense des carabiniers
  • J’ai parlé de la barcarolle. Est-ce que vous connaissez un film dans lequel on peut l’entendre ? Et si je vous dis que la vie est belle ?
  • À part La Belle Hélène et Les Contes d’Hoffmann, pouvez-vous citer une pièce d’Offenbach qui a été adaptée en ballets ? Allez, je vous laisse chercher, pour celle-là.
  • On a aussi parlé des références qu’Offenbach faisait à ses propres œuvres. Il y en a tout un tas, vous verrez, et c’est très intéressant de voir quelles sont les musiques qu’il a choisi de réutiliser… Bonne chance pour toutes les retrouver !

 

Sources :

 

Rédaction de l'article

La musique dans Orphée aux Enfers

« C’est l’avènement de l’opérette de grand opéra, c’est le nouvel opéra-bouffe français », lit-on dans le journal Le Ménestrel lors de la reprise d’Orphée aux Enfers au théâtre de la Gaîté, en 1874[1]. À en croire ce compte rendu, l’ouvrage, étendu à quatre heures de spectacle, inaugure par ses dimensions un nouveau genre lyrique digne de ceux joués à l’Opéra de Paris. Dès la première version plus brève de 1858, Offenbach repousse les limites imposées à l’opéra-bouffe : ayant obtenu la même année le droit de représenter dans son théâtre des ouvrages de plus d’un acte et avec plus de quatre personnages, le compositeur multiplie les rôles et les numéros musicaux, quitte à corriger sur-le-champ des longueurs soulignées par son public. La question des dimensions est pourtant vite éclipsée dans la presse contemporaine par un aspect non moins central : la dégradation burlesque d’un sujet mythologique. Dans Orphée aux Enfers, Offenbach n’élargit le cadre de l’opérette que pour mieux tourner en dérision celui de l’opéra.

Une opérette grand format…

La chatte métamorphosée en femme, dernière œuvre en un acte composée par Offenbach avant Orphée, comprenait huit numéros chantés par une soprano, une mezzo, un ténor et un baryton. L’« opéra bouffon » créé six mois plus tard présente deux actes et quatre tableaux formés de seize numéros, pour quatorze rôles et un chœur. Par rapport à la version « opéra-féerie » de 1874, en quatre actes, douze tableaux et trente numéros pour quarante-deux personnages, un corps de ballet et cent choristes, c’est encore peu.. C’est d’ailleurs cette seconde mouture qui a été retenue par Oya Kephale à quelques coupes près. Quoi qu’il en soit, un nouveau format se met en place dès 1858 : les passages chantés sont plus nombreux et les caractères vocaux se diversifient.

Offenbach n’abandonne pas pour autant les canevas employés dans la trentaine d’ouvrages en un acte composés avant Orphée . Parmi les numéros musicaux qui alternent avec  les dialogues parlés figurent notamment des airs intitulés « couplets » : dans l’esprit d’une chanson, le personnage chante deux ou trois couplets conclus par un refrain, lequel peut désormais être repris par le chœur. Démultiplication des rôles oblige, ces airs sont particulièrement nombreux et variés dans Orphée. Certains présentent un grand nombre de couplets, comme le « Rondeau des métamorphoses » de l’acte II, où l’assemblée de l’Olympe rapporte les manigances amoureuses de Jupiter : pas moins de six interventions  se succèdent sur une musique identique. Comme souvent dans cette forme simple, l’enthousiasme est provoqué aussi bien par le jeu théâtral des interprètes, que par des éléments inattendus dans le texte, comme une onomatopée — « Ah ! ah ! ah ! » — ou une manière  comique de le prononcer, comme une articulation très rapide des mots : « Ne prends plus l’air patelin : on connaît tes farces, Jupin ! » Dans les couplets de Cupidon à l’acte III, ce sont même des bruits de baiser qui font office de refrain.

Ces airs à couplets peuvent être intégrés à des numéros plus vastes qui participent à la progression de l’action. Les finales d’acte s’apparentent ainsi à de véritables patchworks musicaux. À partir de pièces cousues les unes aux autres, dont la succession relance constamment l’intérêt du public, Offenbach s’ingénie à bâtir de grands crescendos rythmés par des accélérations, pour aboutir à des tuttis endiablés. De ce point de vue, la comparaison des versions de 1858 et de 1874 nous ouvre l’atelier du compositeur. Le premier Orphée aux Enfers est en deux actes, composés chacun de deux tableaux – qui formeront eux-mêmes des actes dans la version plus tardive retenue par Oya Kephale. Ainsi, le finale du premier acte de 1874 n’était en 1858 qu’un simple numéro à la fin du premier tableau : il s’agissait du duo d’Orphée et de l’Opinion publique (« Viens ! c’est l’honneur qui t’appelle »). Pour en faire une fin d’acte digne de ce nom, Offenbach lui ajoute le chœur, et le fait précéder d’une série de nouveaux morceaux enchaînés les uns aux autres, dont un air pour l’Opinion publique (« C’est l’Opinion publique »).

L’ouverture, elle aussi, est considérablement développée en 1874 pour devenir une « Promenade autour d’Orphée ». De fait, l’écoute s’apparente bel et bien à une déambulation dans la partition : les principaux thèmes de l’opéra sont présentés  selon le principe du « pot-pourri », en commençant par « L’Hymne à Bacchus » pour se conclure par un fragment du célébrissime « Galop infernal ». En l’occurrence, Offenbach ne reprend ici que des extraits déjà composés en 1858, autrement dit des mélodies que son public connaît par cœur : c’est un peu comme si une version restaurée d’un film commençait par sa propre bande-annonce. Plus loin dans la nouvelle version, dans « L’air en prose de Pluton » à l’acte II, le compositeur glisse d’ailleurs une autre allusion au « Galop », comme pour mieux faire attendre l’arrivée du thème complet à la fin du spectacle. À toutes ces amplifications de la partition, il faudrait ajouter aussi les ballets qui n’ont pas été retenus dans notre version, ou encore un tableau supplémentaire plus tardif (et finalement rejeté par Offenbach) consacré au royaume de Neptune — on y voyait notamment danser des crevettes. Comme l’indique le titre de sa deuxième version, l’« opéra-bouffon » de 1858 devient un « opéra-féerie », un spectacle où la magnificence visuelle et les effets scéniques en tous genres sont à l’honneur.

… ou une parodie d’opéra ?

Insister sur l’élément spectaculaire dans Orphée aux Enfers ne doit pas nous faire oublier qu’il s’agit d’une œuvre destinée d’abord à faire rire. Si le jeu scénique joue ici un rôle essentiel — les acteurs et les actrices du temps d’Offenbach n’hésitaient pas à agrémenter les répliques de leurs propres calembours — la composition musicale regorge, elle aussi, de ressorts comiques.

Héros d’opéra par excellence, incarnation du pouvoir de la voix et d’une expressivité authentique, Orphée bascule chez Offenbach dans la parodie. Le personnage mué en professeur de violon ne s’exprime plus qu’en serinant des formules toutes faites, qu’il s’agisse des poncifs d’un concerto romantique dans le « Duo du concerto » dans l’acte I, ou plus tard d’une citation directe de l’Orphée et Eurydice de Gluck.  (voir plus haut « Introduction à l’œuvre »). — dont la version française date de 1774. À la fin de l’acte II en effet, le héros entonne le célèbre refrain « J’ai perdu mon Eurydice », devenu ici « On m’a ravi mon Eurydice », devant Jupiter ; la référence est d’autant plus détournée que le héros ne réclame son épouse qu’à contrecœur.

Les ressources de la citation, que ce soit pour établir une connivence avec le public ou pour instaurer un décalage, sont largement exploitées par le compositeur. À l’acte II, dans le « Chœur de la révolte » et par allusion dans le « Rondeau des métamorphoses » qui suit, c’est La Marseillaise qui accompagne le mécontentement des dieux.  Pour un spectateur de 1858 sous le Second  Empire ou même de 1874 sous la Troisième République, il s’agit d’abord d’un chant révolutionnaire : hymne national sous la Convention, La Marseillaise ne retrouvera ce statut qu’en 1879. Dans la scène d’Offenbach, le rire doit tout autant à l’anachronisme qu’aux revendications triviales des personnages : « Plus de nectar, cette liqueur fait mal au cœur ».

Ailleurs, la parodie musicale se passe de citations directes. Pour dépeindre le monde de Pluton dans le chœur qui ouvre l’acte IV, Offenbach recourt à des codes musicaux bien connus de ses contemporains, associés indifféremment aux Enfers mythologiques et à l’Enfer chrétien dans les opéras du répertoire : trémolos des cordes dans le grave, accords dissonants joués fortissimo, et surtout emploi du son infernal entre tous, celui du piccolo, le plus aigu des instruments de l’orchestre. Quelques années plus tôt, dans son Grand traité d’instrumentation, Berlioz avait noté tout le potentiel « violent », « féroce », « diabolique » de la petite flûte dans les opéras de Weber, Gluck ou encore Spontini[2]. Offenbach, qui en use lui-même régulièrement pour apporter du brillant à son orchestre, s’en sert ici pour creuser un écart strident avec le grave des contrebasses et des timbales : le résultat pourrait être effrayant s’il n’était associé aux calembours du livret — « si l’on comprend la vie, amis, c’est en enfer ».

L’orchestre, de fait, peut lui-même se faire bouffon. En 1858, contraint par la taille de son théâtre, Offenbach disposait d’un ensemble réduit, sans second hautbois ni second basson, ensemble dont il est néanmoins parvenu à tirer des couleurs insolites. Au début du très licencieux « Duo de la mouche » dans l’acte III, le bourdonnement de l’insecte est suggéré aux cordes et notamment à l’alto par un trémolo joué au niveau du chevalet : la sonorité grinçante obtenue est rendue plus étrange encore par la flûte qui joue dans son registre grave, peu employé dans l’orchestration classique. Cette peinture sonore du plus prosaïque des animaux est une merveilleuse trouvaille d’orchestration qui contribue au grotesque de la scène

Après les Orphée de 1858 et de 1874, où se situe finalement celui de 2025 ? Partir de la version de 1874 comme le fait Oya Kephale permet de conserver la verve de l’opéra bouffe d’origine, tout en profitant du chœur du « Conseil municipal de la ville de Thèbes », du « Rondo-saltarelle » de Mercure ou des « Couplets des baisers » de Cupidon ajoutés par Offenbach pour la reprise — car pourquoi s’en priver ? Des quatre heures de l’« opéra-féerie », cependant, tout n’a pas été conservé par Oya Kephale, ni d’ailleurs par la plupart des interprètes antérieurs. Opposer les versions de 1858 et de 1874, ce n’est jamais que se limiter aux deux partitions éditées : du vivant d’Offenbach déjà et aujourd’hui encore, que ce soit pour des raisons de goût, de durée du spectacle ou d’autres contingences matérielles, l’œuvre n’a jamais cessé d’être remaniée et aménagée, pour nous surprendre toujours davantage.

 

Sources

  • Rémy Campos, « Commentaire musical », dans L’Avant-Scène Opéra, n° 185 « Orphée aux Enfers », 1998, p. 8-67.
  • Adélaïde de Place, « Orphée aux Enfers », dans Joël-Marie Fauquet (dir.), Dictionnaire de la musique en France au xixe siècle, Paris, Fayard, 2003.
  • Piotr Kaminski, Mille et un opéras, Paris, Fayard, 2003.
  • Jean-Claude Yon, Jacques Offenbach, Paris, Gallimard, 2000.

[1] H. Moreno, « Nouvelles », Le Ménestrel, vol. 40, n° 11, 15 février 1874, p. 85. « H. Moreno » est le pseudonyme d’Henri Heugel qui n’est autre que l’éditeur d’Offenbach.

[2] Hector Berlioz, Grand traité d’instrumentation et d’orchestration modernes, Paris, Henri Lemoine, 1855 [1844], p. 158-166.