La fugue… tout un art ?

Parmi toutes les formes musicales existantes, la fugue reste sans doute l’une des plus complexes. Très semblable aux canons ou aux entrées en imitation, la fugue n’en demeure pas moins différente. Mais pourquoi appeler cela une fugue ? La musique court-elle pour échapper à quelque chose ? La vérité n’est pas si loin.

Au début du XIVe siècle, le mot latin fuga, ou fugue en français, fait son apparition en musique. Provenant du latin fugere, fuir, et de fugare, chasser, ce terme désigne une technique de composition contrapuntique,c’’est-à-dire que l’écriture y est horizontale et privilégie la ligne mélodique à l’harmonie des accords et à l’écriture dite verticale. L’application du terme fuga à ce type d’écriture vient probablement du fait que les voix semblent se courir après. Elles sont habituellement composées pour trois ou quatre voix, même si certains compositeurs, dont Jean-Sébastien Bach, sont allés jusqu’à composer des fugues à six voix. Une fugue peut être écrite pour diverses formations musicales : voix, orgue, piano, clavecin, orchestre etc.

Canon, fugue ou imitation ?

Ces trois techniques de composition se ressemblent fortement mais chacune possède ses  particularités. 

Un canon se contentera de faire répéter aux différentes voix une même phrase à l’identique mais en décalé. Par exemple, la comptine Frère Jacques est un canon connu de tous. 

Les entrées en imitation se contentent de faire entrer les voix les unes après les autres sur un motif se ressemblant, mais sans pour autant être identique. Les onze premières mesures du Cruxifixus de Antonio Lotti (1667-1740) exposent huit entrées en imitation, allant des basses aux sopranos, qui reprennent un motif rythmique identique et une mélodie dont les notes ne sont pas strictement les mêmes à chaque entrée. 

Enfin, la fugue, quant à elle, ressemble au canon mais suit des règles bien précises tant pour sa forme que pour son contenu.

La fugue se découpe en trois grandes parties : une exposition, une série de divertissements puis une coda pour conclure la fugue. Parmi ces parties, l’exposition reste la plus strictement codifiée des trois. Chaque voix entre sur la même mélodie, appelée « sujet » quand elle est dans le ton principal ou « réponse » quand elle est dans le ton de la dominante. Chaque voix ne peut exposer le sujet qu’une seule fois, alternant entre sujet et réponse. Les voix entrent les unes après les autres et attendent que la précédente ait énoncé l’intégralité du sujet avant de commencer. L’ordre d’entrée des voix est laissé au choix du compositeur. 

À cela peuvent s’ajouter quelques éléments optionnels comme un contre-sujet, sorte de deuxième mélodie moins importante qui sera présentée en même temps que la première réponse et devra être gardée tout au long de la pièce. Il est aussi possible de trouver un « conduit » entre une réponse et un sujet afin de revenir au ton principal.

Après l’exposition, le sujet peut être cité de différentes façons et ce de manière libre. Il peut apparaître sous sa forme de sujet, de réponse ou bien encore être transposé dans une nouvelle tonalité. Il peut aussi subir diverses modifications comme une augmentation (allongement proportionnel des valeurs rythmiques), une diminution (raccourcissement proportionnel des valeurs rythmiques), un renversement (les intervalles ascendants deviennent descendants et inversement), une rétrogradation (le sujet commence par la dernière note et finit par la première etc. Ces modifications peuvent même se cumuler et former une rétrogradation en renversement. Les passages musicaux entre ces occurrences du sujet se nomment « divertissements ». Ils ont pour but à la fois d’amuser et de divertir le public mais aussi l’interprète. Ils peuvent se composer du matériau thématique initial ou bien le compositeur peut proposer une nouvelle idée musicale. Ces sections de divertissements étaient même parfois improvisées.

Enfin, peu avant la coda qui conclut la fugue, il est possible de trouver une « strette » durant laquelle les citations du sujet sont très rapprochées, allant même jusqu’à se chevaucher.

La fugue, de Bach à aujourd’hui

 Vers la fin du XVIIe siècle, la forme de la fugue se cristallise et n’évolue plus que très peu. La fugue connaît son heure de gloire au XVIIIe siècle,avec Jean-Sébastien Bach qui composedes fugues parmi les plus connues. Les plus notables sont les 24 préludes et fugues, L’art de la fugue, œuvre inachevée de Bach et L’Offrande musicale dont le sujet de la fugue a été imposé à Bach par le roi de Prusse Frédéric II. Ce dernier souhaitait donner du fil à retordre au maître, mais d’après la légende, ce dernier après avoir improvisé un ricercare (ancienne forme musicale instrumentale) à six voix, s’est excusé auprès du roi de n’avoir pu faire mieux. Après cette improvisation Bach aurait décidé de travailler plus minutieusement le sujet et composé ainsi L’Offrande musicale. En plus de composer des fugues pour orgues ou pour clavecin, le compositeur en intégrait dans ses pièces vocales ou instrumentales, les plus célèbres étant La passion selon St Matthieu et La passion selon St Jean.

Toutefois, le style de la fugue convient de moins en moins aux goûts de la seconde moitié du XVIIIe siècle et sera finalement  jugé trop intellectuel, lourd et ennuyeux. Avec ce déclin, les œuvres de Bach tomberont en désuétude et seront vite oubliées. Cependant, certains compositeurs comme Wolfgang Amadeus Mozart et Joseph Haydn écrivent quelques fugues comme, chez Mozart, le Kyrie du Requiem, ou la Symphonie n° 41 en ut majeur dite Jupiter, dont le dernier mouvement n’est qu’une longue fugue à cinq voix avec un sujet renversable. Haydn, quant à lui, intègre  des fugues dans plusieurs pièces, telles que sa Symphonie n° 3 en sol majeur, son quatuor à cordes n°3 op. 20 ou encore sa Messe en mi bémol majeur.

Par la suite, d’autres grands musiciens – Beethoven, Mendelssohn ou même Wagner bien plus tardivement – composeront  des fugues, mais plus rarement qu’à l’époque de Bach, et ce malgré la redécouverte des œuvres de Bach par Mendelssohn au début du XIXe siècle. La fugue restera longtemps un genre académique, ancien et désuet employé seulement pour apprendre aux élèves comment gérer les mélodies et les lignes musicales. Par exemple, la fugue employée par Puccini dans sa Messa di Gloria est à l’origine un exercice d’écriture que le compositeur a souhaité réutiliser. De plus, les fugues écrites tout au long du XIXe siècle le sont souvent afin de renvoyer au style de Bach ou à son époque.

 

Aujourd’hui, la fugue reste un genre sous-exploité, et lorsqu’on apprend à écrire une fugue au conservatoire c’est dans le style de Bach. Cependant quelques œuvres actuelles sont des fugues, notamment le deuxième mouvement de La chute de Lucifer de Patrick Burgan. Ce mouvement est une longue et imposante fugue dodécaphonique à douze voix. Le tour de force du compositeur a été d’adapter le genre de la fugue au dodécaphonisme. Les entrées des sujets et des réponses ne peuvent plus suivre la règle d’alternance entre tonique et dominante car ces deux dernières n’existent pas en musique dodécaphonique. Pour pallier cela, chaque entrée de la fugue se fait sur un demi-ton différent du précédent, jusqu’à arriver à la douzième entrée.

La fugue sera toujours étroitement liée à l’œuvre colossale de Bach ; et bien que ce genre puisse être compliqué à aborder tant techniquement qu’à écouter, il  recèle encore de nombreuses perles à découvrir, que ce soit chez Bach ou dans les œuvres d’autres compositeurs antérieurs ou ultérieurs.

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Pourquoi tant de religieux dans la musique classique ?

Requiem, messes, oratorios, hymnes… Les œuvres religieuses sont nombreuses dans la musique classique. Essentiellement chrétiennes, elles constituent même un pan entier du répertoire que l’on appelle musique sacrée. Si ce n’est peut-être pas surprenant pour certains, nous allons quand même essayer de réfléchir aux raisons qui ont pu aboutir à un répertoire si prolifique.

En se promenant dans les rues de nos villes, il suffit de compter le nombre de personnes déambulant avec des écouteurs vissés dans les oreilles pour comprendre à quel point la musique fait partie de notre quotidien. Au point qu’il nous est difficile d’imaginer qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Si, par un effort d’imagination, nous remontons le temps de quelques siècles, nous nous rendons vite compte que sans radio ou enregistrement, le seul moyen d’écouter de la musique est de disposer de chanteurs et de musiciens, en chair et en os. Pour le commun des mortels, la musique d’ensemble n’est donc accessible que lors de regroupements, ponctuels ou réguliers, de musiciens. Avant le XXe siècle, la société est imprégnée de religion, non seulement en Europe où la musique classique s’est principalement développée, mais partout dans le monde les offices religieux font partie de ces occasions régulières de jouer et d’écouter de la musique. Le sacré joint d’ailleurs parfois le profane pour apparaître à des occasions qui peuvent surprendre nos esprits modernes.Ainsi sous le règne des rois de France, une dimension religieuse se voit parfois associée à la célébration des grandes victoires militaires. Pour remercier Dieu de la victoire accordée, le souverain fait chanter des Te Deum (hymnes d’action de grâce commençant par  « A toi Dieu notre louange »).

Influence de la musique sur l’homme

Or la musique a toujours été associée aux pratiques religieuses ou spirituelles. Dans les différents chamanismes, la communication avec les esprits se fait via des transes  souvent accompagnées de chants, de tambours et de danses. La musique est utilisée comme un moyen (parmi d’autres) de plonger le chaman dans un état second. L’utilisation récurrente de la musique et des rythmes dans ces rituels est révélatrice du pouvoir qu’ils possèdent sur l’esprit humain. C’est une partie de l’intériorité profondément enfouie en nous qui se laisse toucher par la musique. De même, le chant, dans un mouvement inverse, laisse affleurer et jaillir l’intériorité hors de nous-même pour exprimer pleinement ce que l’on ne peut parfois pas communiquer avec des mots. D’où  les chants funèbres empreints de douleur, tels les thrènes antiques ou les voceros corses. Les assemblées se mettent alors à vibrer au son de la musique dans une sorte de communion. Ces effets anthropologiques, s’ils ne sont pas  théorisés formellement, sont certainement l’une des raisons principales de la présence de musique dans les différentes religions et formes de spiritualité. 

La musique comme révélation d’une réalité transcendante

Saint Augustin, docteur de l’Eglise, est très sensible à la musique. Au IVe siècle, dans le De Musica, il étudie la musique et émet l’idée que Dieu puisses’y révéler :la beauté de la musique seraitrévélatrice de la beauté même de Dieu, qui est perfection. L’ordre et l’harmonie, qui sont présents dans la musique, sont également des attributs divins. Enfin, la musique, phénomène physique invisible, est néanmoins bien réelle et préfigure la félicité qui règne dans les cieux. Saint Augustin affirme que « Qui bien chante, deux fois prie », preuve de la valeur qu’il attribue à la musique. Mais cette dernière, dans la liturgie, a pour but de révéler Dieu et n’est pas une finalité en soi. Il a parfois peur que le croyant s’arrête à la beauté du moyen et ne recherche plus l’objectif divin. Il dit donc : « En ces moments, je voudrais à tout prix éloigner de mes oreilles et de celles de l’Eglise même, la mélodie de ces suaves cantilènes qui servent d’habituel accompagnement aux psaumes de David. »

Saint-Augustin

La liturgie chrétienne

Dans les religions chrétiennes qui se développent en Europe, la musique fait partie intégrante de la liturgie . Le premier exemple venant à l’esprit est le développement du chant grégorien au Moyen-Âge, mais on peut aussi citer le développement de l’orgue, instrument liturgique par excellence, à partir du XIIIe siècle. Le lien entre musique et liturgie est bien plus ancien : il se retrouve dans les origines hébraïques des religions chrétiennes, avec notamment tout le recueil des Psaumes dans l’Ancien Testament qui sont des poèmes destinés à être chantés. Or ce sont ces mêmes psaumes qui, aujourd’hui encore, sont chantés tous les jours dans la liturgie dite des heures dans l’Eglise catholique. L’Eglise ayant un usage pour la musique, elle a développé des charges de maître de musique ou maître de chapelles (Kapellmeister dans les pays allemands), auprès des églises cathédrales ou collégiales, ou même à la cour de princes et de monarques. Il s’agit de professionnels payés pour diriger les chœurs et orchestres animant les offices. Parmi les compositeurs ayant occupé cette charge ou une similaire entre le Moyen Âge et le XIXe siècle, on peut citer Monteverdi, Haendel, Bach, ou Mozart ; et quasiment tous les grands noms de la musique classique de l’époque. Ces postes prestigieux sont certainement à l’origine du vaste répertoire de musique sacrée que nous connaissons aujourd’hui. 

Des compositeurs engagés

Au-delà du mécénat envers la liturgie, le sujet de la religion intéresse les compositeurs à plusieurs niveaux. Outre l’histoire de l’incarnation et de la rédemption par Dieu fait homme, les récits de l’Ancien Testament et l’histoire de l’Église offrent un narratif exceptionnel et vont être une source d’inspiration même au-delà des églises. Par exemple pour l’opéra, Rossini compose un Moïse en Egypte, tandis que Saint-Saëns reprend l’histoire de Samson et Dalila et encore Poulenc avec le Dialogue des Carmélites. Au-delà du sujet de l’œuvre, la musique sacrée doit bien évidemment tourner les hommes vers Dieu, mais pour celui qui la compose, elle peut aussi s’inscrire dans un itinéraire spirituel et prendre la forme d’une offrande  à Dieu. De même que le maçon croyant va construire des cathédrales pour son Dieu, le compositeur offre, lui, de la musique. Ils sont d’ailleurs plusieurs à faire partie du clergé catholique. Tomas Luis de Victoria, compositeur de la Renaissance espagnole, est également prêtre catholique, Vivaldi est ordonné prêtre à l’âge de 25 ans, etFrantz Liszt admet avoir voulu entrer dans les ordres dans sa jeunesse, mais avoir décidé de servir Dieu par son œuvre musicale. Il rejoint à la fin de sa vie le Tiers Ordre Franciscain, une association de laïques et  devient finalement abbé en recevant les ordres mineurs. Ces exemples sont révélateurs de la quête spirituelle sincère qui peut animer ces hommes pendant toute ou partie de leur vie et qui se reflète dans l’exercice de leur art.

Au fil du temps, la musique sacrée a donc fini par constituer une part importante du répertoire classique, mais les œuvres profanes se sont évidemment développées en parallèle, dans de nombreux styles différents. Cela dit, il est rare que les compositeurs se cantonnent  à un unique sujet ou style, ce qui permet la richesse de la musique classique telle que nous la connaissons aujourd’hui.


SOURCES :

Fanny, l’autre Mendelssohn

Si le nom de Mendelssohn vous dit quelque chose, c’est sûrement que vous pensez à Felix. Compositeur renommé, ses œuvres sont connues à travers le monde. Pourtant, il n’est pas le seul Mendelssohn à posséder du talent et de la passion. Sa soeur aînée Fanny n’en est pas moins pourvue, mais c’est une femme, et qui dit femme dit, comme souvent, reléguée dans l’ombre et oubliée.

Un talent sacrifié

Les enfants Mendelssohn reçoivent une excellente éducation musicale. Felix et Fanny démontrent rapidement leur talent et leur passion. Mais si pour Felix, il peut s’agir là d’une carrière, d’un avenir, il n’en est pas question pour Fanny. À quatorze ans, elle joue tout Le Clavier bien tempéré de Bach de mémoire pour l’anniversaire de son père. Pourtant, celui-ci est formel : la musique ne sera jamais rien d’autre pour Fanny qu’un passe-temps, au mieux un argument en sa faveur pour lui trouver un bon mari. Au début du XIXe siècle, la musique n’est pas un métier pour les jeunes filles de bonne famille.

Fanny qui, à quinze ans, est une excellente pianiste et compose déjà avec enthousiasme, se voit donc interdire les concerts publics et la publication de ses compositions. Alors que son frère voyage, se produit, se perfectionne, elle doit apprendre le rôle et les devoirs traditionnels d’une femme. Et si elle n’abandonnera jamais ni la musique, ni la composition, celles-ci resteront longtemps pour elle ce qu’on leur impose d’être : des loisirs. Elle joue en privé du Bach, du Beethoven, et parfois ses propres compositions.

Empêchée de s’adonner pleinement à sa passion, elle se consacre à la carrière de son frère, dont elle est très proche.

La rencontre

Très jeune, Fanny rencontre le peintre Wilhelm Hensel. Ils se marient des années plus tard, en 1829, et elle est enfin libérée du joug familial. Son mari, contrairement à son père et à son frère, l’encourage à jouer, à composer, à publier ses œuvres.

En 1839, le couple part pour l’Italie et passe plusieurs mois à Rome. Cette expérience est libératrice pour Fanny : elle rencontre des artistes, peintres ou compositeurs, découvre les splendeurs de la Rome antique, commence enfin à s’affranchir du rôle qu’on lui a toujours demandé de jouer. Appréciée par ses pairs, comme Charles Gounod, pour son esprit, son talent de pianiste et ses compositions, elle prend confiance en elle et en sa musique.

Néanmoins, il faudra encore plusieurs années avant qu’elle ose enfin braver l’interdit familial et fasse publier ses compositions signées de son nom. En 1846, elle fait paraître plusieurs de ses Lieder, œuvres pour piano et œuvres vocales pour chœur. Hélas, elle n’aura pas le temps de profiter de sa nouvelle renommée car elle s’éteint en mai de l’année suivante, emportée par une crise d’apoplexie, à seulement quarante-et-un ans. Après sa mort, son époux continue à faire publier ses créations.

Mendelssohn VS Mendelssohn

Ni ses professeurs, ni son frère Felix ne s’y trompent : le talent de Fanny est connu de tous. Mais Felix partage les idées de son père sur la place de la femme dans la société. Pourtant, il aime tendrement sa sœur, apprécie ses capacités, se tourne vers elle pour qu’elle le conseille dans sa musique. Mais il ne l’encourage pas pour autant à poursuivre ses rêves, car pour lui elle n’a pas sa place dans le monde de la musique. Il contribue grandement à la maintenir dans l’anonymat.

Malgré les désirs de Fanny, Felix reste persuadé qu’elle ne peut ni ne veut être compositrice, puisqu’elle est femme. S’il refuse qu’elle publie officiellement sa musique, il fait paraître plusieurs morceaux de sa sœur sous son propre nom, mêlés à ses créations, avec l’accord de Fanny. Ils ont beaucoup de succès, autant que ses propres pièces, parfois davantage. En 1842, à Buckingham Palace, la reine Victoria réclame à Felix son Lied favori. Pas de chance pour lui, il s’agit d’une composition de Fanny, comme il l’avoue à la monarque. Cela ne suffit pas à le convaincre de laisser sa sœur partager ses compositions : elle peut, mais elle ne le doit pas. Que la musique de Fanny plaise au public n’y change rien.

Marqué par le décès prématuré de sa sœur, Felix s’accorde avec Wilhelm pour enfin faire paraître les œuvres de la défunte sous le nom de leur compositrice. Quelques-unes seulement, car le temps lui manque, puisqu’il meurt six mois seulement après son aînée.

Fanny Mendelssohn laisse derrière elle plus de quatre-cents pièces, dont certaines n’ont été publiées que cent quarante ans après sa mort.


Sources

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La musique classique, d’accord, mais… et les femmes, là-dedans ?

Quand on parle de musique classique, particulièrement de compositeurs et de chefs d’orchestres, on entend surtout des noms d’hommes. En fait, on n’entend pratiquement que ça, comme si la musique classique était un club pour gentlemen anglais du XIXe siècle. Mais pourquoi ? La femme est-elle allergique à la musique, comme le vampire au soleil ? Que nenni. Le problème, comme souvent, se situe chez… les hommes.

Une brève histoire des femmes dans la musique

L’invisibilisation des femmes au cours de l’histoire ne date pas d’hier, et elle n’est pas cantonnée au domaine de la musique. L’histoire est principalement écrite par des hommes, pour des hommes, dans un patriarcat confortable. Pour celles et ceux qui pensent que j’exagère, je vous invite à aller vous renseigner sur certains sujets oubliés, comme les chevaleresses, par exemple.

Dans la musique, comme partout, les femmes ne font pas ce qu’elles veulent. Pendant de nombreux siècles, elles n’ont même pas le droit de chanter à la messe, l’Église le leur interdisant. La musique est là pour exalter le sentiment religieux, alors des femelles ? Avec des voix tentatrices et des pensées impures ? Surtout pas ! Après le serpent, on a compris, on ne leur confie plus rien d’importance, à part la tenue de la maison et l’éducation des jeunes enfants. Après, il y a bien les trobairitz en Occitanie, ou les troubadouresses, mais même Wikipédia n’a pas grand chose à dire sur la place des femmes dans l’histoire de la musique, parce que, n’est-ce pas, qui est-ce que ça pourrait intéresser alors qu’on a tant de grands compositeurs ?

Non, globalement, les femmes sont là pour servir de muse, pas pour créer, merci bien. Et ça vaut pour tous les arts, pas uniquement la musique. Si madame voulait bien se tenir tranquille, là, être belle et se taire ? Merci, ça serait gentil, il faut que monsieur se concentre. Parce que tout le monde sait que le génie créatif se trouve dans la prostate, et pour communier avec sa prostate, rien de mieux que le silence et la vision d’une jolie femme.

À la Renaissance, assez ironiquement, alors que le monde des arts s’étend et que l’humanisme apparaît, les droits des femmes reculent. Elles ne sont plus rien d’autre que la propriété de leur père, puis de leur mari. Il devient encore plus difficile pour elles de sortir du cadre qu’on leur impose. Aux périodes baroque et classique, les femmes renouent avec la musique, mais uniquement dans les limites qui leur sont données. Elles ne peuvent jouer que de certains instruments, dans certains lieux, dans certaines circonstances, et certainement pas composer. En tout cas, pas pour le public. L’invention est un travail d’homme, une distraction malvenue chez les femmes.

Pourtant, malgré tout, certaines femmes ont réussi à faire ce qu’elles aimaient, ont bravé les interdits et osé jouer et composer, en dépit des restrictions que leur imposait la société.

Les compositrices, oubliées de l’Histoire

Parce que oui, des compositrices, il y en a eu, il y en a, et il y en aura toujours (enfin, on espère, hein). Et si la plupart ont été oubliées, reléguées au néant car jugées sans valeur, certaines sont parvenues jusqu’à nous. Des noms qui n’ont pas la reconnaissance d’un Mozart ou d’un Chopin, mais qui n’en comptent pas moins.

Si on remonte à l’Antiquité, Sappho représente les poétesses et musiciennes de l’époque. Sa musique, aujourd’hui perdue, était faite de poèmes et d’instruments à cordes, qui rythmaient des odes à Aphrodite, déesse de l’amour. Mais comme il paraît qu’elle préférait les filles, on l’a vite rangée sous le tapis.

Hildegarde Von Bingen (1098-1179), abbesse, voyante, naturaliste, guérisseuse, musicienne et poétesse, a beaucoup apporté à la musique religieuse et à la médecine. Mais bon, le plus important, c’est qu’elle ait découvert les propriétés du houblon, non ? La bière, y’a que ça de vrai.

Maddalena Casulana (1544-1590) est la première compositrice à être publiée. Elle chante, joue du luth et compose des madrigaux. Pour prouver qu’en plus du talent, elle a la classe, elle cacedédi (dédicace en verlan) son premier livre de madrigaux à Isabelle de Médicis en ces termes :  “[Je] veux montrer au monde, autant que je le peux dans cette profession de musicienne, l’erreur que commettent les hommes en pensant qu’eux seuls possèdent les dons d’intelligence et que de tels dons ne sont jamais donnés aux femmes.”

On peut aussi parler d’Hélène de Montgeroult (1764-1836). Excellente interprète de piano-forte, exceptionnelle improvisatrice, grande pédagogue, elle est la première femme à enseigner au Conservatoire de Paris. Elle compose, mais on préfère se souvenir d’elle comme d’une enseignante, rôle qui convient mieux aux femmes, n’est-ce pas ?

Beaucoup d’autres femmes ont encore marqué l’histoire de la musique, comme Béatrice de Dié, Blanche de Castille, Elisabeth Jacquet de la Guerre, Louise Farrenc, Clara Schumann, Alma Maria Mahler, Pauline Viardot, Mel Bonis, Lili et Nadia Boulanger, Camille Pépin ou encore Fanny Mendelssohn (mais nous y reviendrons…).

Mais du coup, aujourd’hui, ça va mieux ?

Non non, rien n’a changé, tout tout a continué !

Bon, d’accord, ça va quand même un peu mieux, ok. Mais ça ne veut pas dire que tout va bien. Parce que des millénaires de sexisme ne s’effacent pas en quelques décennies. Qu’elles soient compositrices, cheffes d’orchestres, chanteuses ou instrumentistes, les femmes sont toujours bien moins représentées que les hommes dans la musique, classique ou non. Et si les nombres ne sont plus aussi inégalitaires qu’avant, les programmations, elles, restent en très nette faveur des hommes.

Si ça vous intéresse d’approfondir le sujet, voici une étude de l’état des lieux de la présence des femmes dans la filière musicale du Centre National de la Musique.

Les compositrices peinent toujours à se faire un nom, les cheffes d’orchestres représentent un très faible pourcentage dans le métier, les chanteuses sont moins bien payées que les chanteurs et les instrumentistes femmes sont encore souvent cantonnées à certains types d’instruments considérés comme plus féminins… et ce ne sont que quelques exemples. Parce que les mentalités évoluent lentement et que les inégalités hommes-femmes sont encore bien présentes, n’en déplaise à celles et ceux qui ne comprennent pas pourquoi les femmes se plaignent encore alors qu’elles ont plein de droits !

La musique classique, en particulier, est le territoire des hommes depuis si longtemps qu’il est difficile pour les femmes de s’y faire un chemin.

Bien sûr, ce n’est pas vraiment de la faute de la musique. Tant que la société restera perchée sur les restes du patriarcat en s’y accrochant désespérément, il sera difficile d’atteindre une vraie égalité.

Pour l’instant, il est plus important de s’émerveiller qu’une femme ait réussi à faire quelque chose que de mettre en avant et valoriser son nom. Parce que le plus impressionnant, c’est qu’une femme y soit arrivé. Savoir qui elle est, c’est très secondaire. C’est marrant, ce n’est jamais le cas avec les hommes. Et si vous ne me croyez pas, une femme a pourtant sa page Wiki, elle aussi.


Sources 

Illustration de l’article : Laurent de La Hyre, La muse Euterpe, allégorie de la Musique, New York, Metropolitan Museum of Art, 1648


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La grande histoire de l’opérette

Cocorico! Broadway est français !
Le trait est quelque peu grossi (que ne ferait-on  pas pour capter l’attention de son lectorat !), mais la comédie musicale a en effet une origine française, avec son cousin et ancêtre : l’opérette ! 

Petite généalogie de l’opérette 

Si Offenbach est le premier nom qui vient en tête en évoquant l’opérette, ses origines remontent  bien avant la naissance de cette star des théâtres de boulevard.

Le trouvère Adam de la Halle serait, au XIIIe siècle, l’un des premiers à écrire ce genre de bouffonneries pastorales et pittoresques mêlant théâtre et musique, un ancêtre éloigné notre opérette en somme.

Au XVIIe siècle, Molière et Lully surent entretenir des divertissements légers de cour dans leurs comédies-ballets. 

Au XVIIIe apparaît enfin un cousin proche de l’opérette. Des pièces théâtrales inspirées par l’opera-buffa italien, satiriques, burlesques, ornées de refrains entêtants, sont  alors jouées dans les foires de Saint-Germain, de Saint-Laurent et de Saint-Ovide. C’est la naissance de l’opéra-comique, rapidement soutenu par les penseurs des Lumières qui condamnent par la même occasion le sérieux – jugé pompeux – des compositeurs baroques de « drames lyriques ornés de machines et de danses ». 

Attention : l’opéra comique n’est pas pour autant toujours drôle (frauduleux comme nom, n’est-ce pas?) ! Porté par les Lumières, il allie encore souvent comique et observation critique, ironique, de sujets sérieux de l’époque. Des passages parlés permettent d’ailleurs de s’adresser au public en aparté. Un exemple pour vous convaincre de la supercherie qui se cache derrière le terme « opéra comique »? La fin de Carmen, n’en déplaise à Bizet, n’est pas des plus tordantes…

Et pour cause : le terme comique dérive du latin comicus « qui a trait au théâtre, aux comédiens ». Au départ, il exprime donc le fait que ces pièces soient en partie parlées, en faisant un genre à mi-chemin entre opéra et théâtre. L’aspect humoristique d’une pièce est alors plutôt exprimé par le terme d’opéra-bouffe.

 Il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour que l’opérette telle que nous la connaissons naisse en France.  Fatigué par les révolutions passées, par les changements de gouvernement du Second Empire et par une industrialisation de plus en plus intensive, le public parisien, toutes classes sociales confondues, avait grand besoin de ce divertissement. Des compositeurs comme Florimond Ronger alias Hervé, père de l’opérette, suivi par Offenbach, son ami et rival, exportent ces excentricités musicales parisiennes en Europe (à Vienne notamment) et remplissent les salles des théâtres du Châtelet, des Champs-Elysées, des Variétés, de la Gaîté Lyrique…

Place aux choses sérieuses ?

L’aube du XXe siècle, avec sa Grande Guerre, brise le délire euphorique et parisien des « cafés-concerts » de boulevard. Les théâtres cités plus hauts deviennent des lieux sérieux, dédiés aux concerts sérieux, lors desquels se joue de la musique sérieuse, composée par des compositeurs sérieux. Quelques-uns de ces compositeurs (Messager, Poulenc…) se prêtent cependant encore avec amusement à la composition d’opéras plus légers. 

Outre-Atlantique, l’opérette inspire la comédie musicale américaine (Broadway nous doit donc effectivement une fière chandelle), avant que celle-ci ne se détourne finalement de ses origines classiques et françaises pour embrasser les nouvelles formes de musiques,notamment le jazz. 

Dans l’entre-deux guerres, le pays de l’aïoli et du pastis s’empare de l’opérette et en fait un divertissement provençal et provincial.

Arrive une Seconde Guerre mondiale, mais l’opérette tient et connaît un nouveau et dernier souffle entre les années 50 et 60, avec des chanteurs comme Luis Mariano (si si, vous connaissez forcément le chanteur de « Mexiiiiii-cooo »!).    

Aujourd’hui, pour vivre ce genre de divertissement, il faut assister à des représentations de ces œuvres du passé.

Mais souhaitons que l’opérette vive toujours, car il est vital de rire en musique et d’écouter de la musique en riant !

 

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Le Théâtre des Variétés

Le Théâtre des Variétés, situé dans le 2ème arrondissement de Paris, a accueilli la création de nombreux opéras-bouffes d’Offenbach dont La belle Hélène (1864), Barbe-Bleue (1866), La Grande-duchesse de Gérolstein (1867), La Périchole (1868) et Les Brigands (1869). Petite histoire de ce lieu important dans la carrière d’Offenbach.

Mlle Montansier : du monopole à l’inauguration des Variétés (1768-1807)

La création du Théâtre des Variétés est intrinsèquement liée à l’histoire de Mademoiselle Montansier, personnalité hors du commun née à Bayonne en 1730.

À 14 ans, celle qui s’appelle encore Marguerite Brunet décide de fuir les Ursulines de Bordeaux pour s’engager dans une troupe de comédiens et entamer sa carrière en Amérique. Elle arrive à Paris quelques années plus tard, mais peine à obtenir une véritable notoriété en tant que comédienne.

En 1768, elle obtient grâce à son ami, le riche marquis de Saint-Conty, la direction du petit théâtre de la rue Satory à Versailles. Elle découvre ainsi sa véritable vocation de directrice de théâtre. Le succès est au rendez-vous et Marguerite, qui a alors changé son nom pour Mlle Montansier (parfois même ornementé d’une particule), attire même l’attention de Marie-Antoinette. Ces faveurs royales lui permettent d’acquérir un nouveau théâtre, rue des Réservoirs. Mieux encore, elle obtient le titre de Directrice des Spectacles à la suite de la Cour, puis la direction des théâtres de Versailles, Fontainebleau, Saint-Cloud, Marly, Compiègne, Rouen, Caen, Orléans, Nantes et Le Havre.

L’ascension de Mlle Montansier ne fait que croître et elle obtient ensuite la direction du Théâtre des Beaujolais, au Palais-Royal (1788) rebaptisé alors Théâtre-Montansier. Malgré la Révolution, la réputation de cette nouvelle salle ne se dément pas et le théâtre est même agrandi en 1791.

Après quelques mois passés en Bruxelles à diriger le prestigieux Théâtre de la Monnaie, la Montansier revient à Paris en 1793 pour y faire construire un tout nouveau Théâtre-National, dans la rue de la Loi (actuellement la rue Richelieu).

Le régime de la Terreur interrompt quelque temps l’ascension de Mlle Montansier. Celle-ci est accusée de complot, arrêtée et jugée avant d’être finalement innocentée. En juin 1806 – la France est alors devenue un Empire – un décret du gouvernement ordonne l’évacuation du Théâtre du Palais-Royal – qui portait alors le nom de « Variétés » – dont la réussite commence à éclipser dangereusement celle du Théâtre-Français voisin (l’actuelle Comédie-Française).

Mlle Montansier, furieuse, obtient tout de même l’aide de l’Empereur, lequel lui accorde la construction d’une nouvelle salle au boulevard Montmartre. Cinq mois plus tard, le 24 juin 1807, la salle est inaugurée en grande pompe sous le nom de … « Théâtre des Variétés », avec un vaudeville de Marc-Antoine Désaugiers, le Panorama de Momus.

Les premiers succès et le déclin temporaire (1807-1864)

Le retentissement de la soirée inaugurale aurait pu être de courte durée puisque l’Empereur, toujours soucieux de ne pas faire trop d’ombre à la troupe du Théâtre-Français, estime que Paris compte beaucoup trop de salles de spectacles et en fait fermer près d’une vingtaine. Le Théâtre des Variétés est pourtant épargné et les succès continuent de s’accumuler, bien que la notoriété des pièces en question n’ait pas survécu jusqu’à nos jours.

La Montansier meurt le 13 juillet 1820. L’histoire, décidément bien cruelle, aura vite fait d’oublier le nom de cette infatigable directrice. Même lors du centenaire du Théâtre des Variétés, en 1907, l’historique du lieu est dressé dans la revue Le Théâtre sans que jamais ne soit cité le nom de sa fondatrice. De nos jours, aucune rue ni aucune plaque ne célèbre l’influence considérable de cette femme sur le paysage scénique parisien.

Pendant les années qui suivent la mort de la Montansier, plusieurs directeurs se succèdent et la popularité des œuvres présentées au Théâtre des Variétés oscille entre le succès d’estime (au mieux) et le four magistral. Au milieu des années 1850, il est même de bon ton d’aller railler les pièces invraisemblables des Variétés, pièces que l’on se met à appeler des « ours » suite à l’échec de la pièce L’Ours et le Pacha de Scribe (1820).

Le Théâtre est alors surnommé « La Ménagerie » et l’expression « on répète aux Variétés » commence à faire florès pour signifier un effort vain et inutile.

Hippolyte Cogniard prend la tête du théâtre en 1855 et peine quelque temps à donner une identité propre aux Variétés. La comédie est dominée par le Gymnase, la farce par le Palais-Royal et l’opéra-bouffe commence à trouver son public aux Bouffes-Parisiens, salle fraîchement inaugurée sous l’impulsion d’un certain… Jacques Offenbach. Après quelques années d’errance, Cogniard présente en 1864 une opérette d’Hervé, Le Joueur de Flûte. Le succès relatif de l’œuvre et un papier du Figaro paru en août de la même année servent de signal à Cogniard : les Variétés sont prêtes pour une transition de taille.

L’ère Offenbach (1864-1880)

L’homme providentiel sera Jacques Offenbach. Déjà fort de plusieurs créations glorieuses, Offenbach travaille à une nouvelle œuvre qu’il destine à Hortense Schneider, la coqueluche des scènes parisiennes. Cette Belle Hélène en chantier est d’abord proposée au Théâtre du Palais Royal. Mais Schneider s’est brouillée avec la direction et c’est finalement le Théâtre des Variétés qui se propose d’accueillir ce nouveau projet, malgré le cachet exorbitant exigé par la chanteuse.

La Belle Hélène, créée le 17 décembre 1864, est un triomphe sans appel. L’œuvre permet au Théâtre des Variétés de renouveler son genre et son identité, et à Offenbach de confirmer sa transition créatrice de l’opérette en un acte vers des œuvres de format plus ambitieux (transition déjà entamée aux Bouffes-Parisiens). Après des années à voir les titres se chasser les uns les autres à un rythme effréné, la Belle Hélène reste au contraire à l’affiche pendant plusieurs mois. L’œuvre est reprise à la saison suivante et, quelques mois plus tard, Offenbach confirme le succès de cette nouvelle collaboration avec les Variétés en présentant son nouveau Barbe-Bleue, qui restera lui aussi à l’affiche pendant de longs mois.

Chaque nouvelle saison voit ensuite venir le « nouvel Offenbach » à la mode. En 1867, la Grande Duchesse de Gérolstein conquiert le cœur du public – à défaut de celui de la presse, un peu plus réservée – y compris celui de Napoléon III, qui assiste au moins à deux représentations. Vient ensuite la Périchole en 1868, menée en parallèle d’autres projets pour d’autres salles, puis Les Brigands en 1869.

Hélas, la fin du Second Empire va également marquer la fin de ces années brillantes. Le pays est épuisé par la guerre contre la Prusse. L’heure n’est plus tout à fait à la fête ni au divertissement. Les salles parisiennes ferment les unes après les autres. À l’issue de la bataille de Rezonville, le 18 août 1870, les Variétés sont transformées en infirmerie temporaire.

Le changement de régime politique est également une transition pour le théâtre des Variétés. La collaboration avec Offenbach ne s’est pas pour autant arrêtée : on reprend La Vie parisienne et on crée Les Braconniers en 1873, La Périchole est remontée dans une nouvelle mouture, on crée La Boulangère a des écus (1875) ainsi que Le Docteur Ox (1877), on reprend La Belle Hélène (1876). Mais les succès ne sont plus aussi systématiques et c’est Labiche qui est désormais le grand triomphateur des Variétés.

Offenbach meurt en 1880, entièrement absorbé par ses Contes d’Hoffmann (prévus pour l’Opéra-comique) dont il ne verra jamais la création.

Depuis Offenbach (1880 à nos jours)

Pendant la Belle Époque, le répertoire lyrique des Variétés peine à s’imposer, malgré la tenue entre 1904 et 1905 d’un festival consacré à l’opérette. Mistinguett obtient ses premiers succès aux Variétés à partir de 1911 (elle tiendra notamment le rôle de Pauline dans une reprise de La Vie parisienne), avant de s’imposer comme reine du music-hall. Ces années sont fastes pour le Théâtre des Variétés mais elles montrent un léger changement de cap dans le répertoire quotidien de la salle.

Après la Première Guerre mondiale, les Variétés sont surtout marquées par les pièces de Sacha Guitry et par la création éclatante de Ciboulette de Reynaldo Hahn (1923). À la veille de la Seconde Guerre, c’est Pagnol qui triomphe désormais. L’après-guerre marque ensuite les ères de Maurice Chevalier, Bourvil, de Funès, Fernandel dans les années 1960, Jacques Martin dans les années 1970 et bien d’autres encore… Si les succès des Variétés continuent de s’aligner encore aujourd’hui, la salle n’est plus le temple de l’opérette qu’elle était autrefois. Les goûts du public ont changé et les Variétés ont dû s’adapter.

La salle reste pourtant indissociable des deux grands noms qui l’ont façonnée durablement : Mlle Montansier et bien sûr… Jacques Offenbach.

 


Illustration de l’article : Le théâtre des Variétés et le passage des panoramas, boulevard Montmartre, vers 1820, Paris, Musée Carnavalet.

 


Rédaction de l'article