Musique et nourriture
Est-ce que nos ancêtres de la préhistoire mangeaient en musique ? Je ne sais pas, même s’il peut être amusant de l’imaginer. Mais il est sûr que depuis sa sédentarisation, l’être humain se plaît à faire rimer musique et nourriture. Des fresques de l’Egypte antique aux tableaux de la Renaissance, en passant par les frises romaines, depuis longtemps les banquets s’accompagnent de musique. Un peu comme on sait que des pâtes sans fromage râpé, c’est triste, on est conscient que la bonne musique peut habiller le meilleur des repas. Mais pourquoi ?
Mais alors, quelle relation entre musique et nourriture ?
Manger, ce n’est pas seulement une question de goût, c’est une expérience multisensorielle. Les odeurs sont tout aussi importantes que les saveurs, les textures également, et même les sons. On est d’accord qu’une chips toute molle, ce n’est pas pareil qu’une chips qui craque sous la dent. Si on n’entend pas “cronch cronch” quand on mange du pop-corn, ce n’est probablement pas du pop-corn, ou alors il aurait dû être mangé il y a longtemps. Que celui ou celle qui n’a jamais pris plaisir à enfoncer sa cuillère dans un moelleux au chocolat me jette la première pierre !
Si depuis (presque) toujours, on associe la musique à nos bons repas, ce n’est pas pour rien. Des études de psychologie ont montré que la musique, ou plus généralement les sons ambiants, influent sur notre goût et notre façon de manger. Trop de bruit et notre cerveau a du mal à se concentrer sur le goût des aliments, percevant moins le salé ou le sucré. Sans surprise, une musique énergique et entraînante nous incite à manger plus et plus vite. Au contraire, une musique calme et apaisante va nous pousser à mâcher plus lentement, à prendre le temps de savourer nos plats.
Bref, les sons, et donc la musique, modifient notre perception des aliments et notre façon de vivre les repas. Certains sons auraient la capacité de faire ressortir certaines textures, certaines saveurs, pour les magnifier. D’autres pourraient à l’inverse nous empêcher de savourer pleinement ce que nous mangeons.
Forts de ces nouveaux savoirs, certains ont commencé à chercher les associations parfaites entre les musiques et les nourritures. Car une musique soigneusement choisie en fonction du repas pourrait en améliorer l’expérience ou, au contraire, en affecter le déroulement.
Ces musiques qui parlent de nourriture
Forcément, cette relation symbiotique entre la nourriture et la musique, il fallait l’illustrer en conséquence. Quoi de plus logique, alors, que de composer des musiques qui parlent de nourriture ? Depuis les comptines enfantines (“J’aime la galette, savez-vous comment ?”) jusqu’aux grands airs d’opéra (“Già la mensa é preparata”) en passant par les classiques de la chanson française (“Aragon et Castille”), il y a de la nourriture partout dans la musique. Et ne me lancez pas sur le sujet des chansons à boire…
Rossini s’amuse avec les desserts et les hors-d’oeuvres, Bach ose une Cantate du café, Ravel n’hésite pas à mettre en scène une tasse et une théière ou à jouer de la râpe à fromage dans l’Enfant et les sortilèges – tout le mobilier s’anime, ce qui branche automatiquement mon cerveau sur La Belle et la Bête de Disney -, et Tchaïkovski associe le chocolat à la danse espagnole, le café à la danse arabe, le thé à la danse chinoise, etc. dans Casse-Noisette. Cet engouement pour la nourriture musicale ne date pas d’hier.
Offenbach n’est pas en reste. Toute son œuvre est parsemée de références à la bonne chère et à la boisson. On veut se mettre à table dans La Vie Parisienne, on se révolte contre le nectar et l’ambroisie dans Orphée aux Enfers, on apprécie le thé dans Geneviève de Brabant, on chante le jambon de Bayonne dans Trombalcazar, on se méfie du pot-au-feu dans Robinson Crusoë, on prépare des gâteaux dans Madame Favart, et même les petites cuillères ont leur mot à dire dans L’ile de Tulipatan ! On l’aura compris, Offenbach avait adopté l’art de vivre à la française.
Même notre vocabulaire marie la musique et la nourriture. En cuisine, on peut trouver un chef et sa baguette, ce qui est aussi le cas dans une salle de concert. Batterie et piano se perdent entre musique et cuisine, une note de sucre peut se cacher sous une cloche thermique, et il y a plusieurs façons de déguster un opéra… Peut-être avez-vous déjà goûté un tournedos Rossini, une pêche Melba ou une poire Belle-Hélène, mais savez-vous que ces plats doivent leurs noms à la musique ?
Les conseils de la rédaction
Enthousiasmée par les découvertes faites au cours des recherches pour cet article, je me permets de vous proposer ma propre recette, avec son association d’aliments et de musique. Promis, j’ai choisi les gâteaux les plus simples du monde, les rochers à la noix de coco. 10 minutes de préparation, 10 minutes de cuisson et très durs à rater.
Il vous faut un saladier, une fourchette, un verre doseur et une plaque de four garnie de papier cuisson.
Seulement trois ingrédients : 3 blancs d’oeufs, 100g de cassonade et 125g de noix de coco râpée (je rajoute aussi du sucre vanillé pour donner un petit goût, mais vous n’êtes pas obligés).
Faites préchauffer votre four à 180° (thermostat 6).
Dans un saladier, mélanger le sucre et la noix de coco. Ajouter les blancs d’oeufs et bien mélanger. Sur la plaque, faire des petits tas assez espacés à l’aide d’une cuillère à café. Mettre au four 10 à 15 minutes. Les rochers doivent dorer sur le dessus. Sortir et retirer de la plaque avant de laisser refroidir.
Vous voyez, je n’ai pas menti, on ne peut pas faire plus simple. Maintenant, la musique. Je vous conseille de la mettre d’abord en cuisinant (parce que franchement, ça donne la patate) et ensuite en servant les rochers à vos invités. Juste… pour voir.
SOURCES :
- Podcast Générations France Musique, le live, “France Musique en cuisine !”, Radio France, 11/04/2020
- “Comment la musique influe sur les plats que vous commandez au restaurant”, Le Figaro, 31/05/2018
- “L’influence de la musique sur notre alimentations et nos habitudes culinaires”, Echternach Festival, 05/11/2023
- Dr Caroline Wood, “Comment le son et la musique influencent-ils notre façon de manger ?”, foodunfolded, 29/03/2021
- Betsy Andrews, “Comment le son affecte le goût et comment concevoir en conséquence ?”, SevenFiftyDaily, 02/01/2018
- Lila Di Palma, “La musique influence-t-elle le goût ?”, Le Point, 20/06/2024
- Richard C. Delerins, “Musique et Art culinaire : les rhapsodies du goût”, Food 2.0 LAB – Paris
- Julien Marion, “Offenbach et la bouffe, ou l’art d’équilibrer les plaisirs sensuels”, Forumopéra, 26/12/2019
- Podcast Arabesques, “À table ! Le goût de la musique”, 5 épisodes, Radio France, décembre 2022
Rédaction de l'article
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